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THE JOY FORMIDABLE – Interview – Paris, mardi 12 février 2013

C’est à notre humble avis « The Next Big Thing » : The Joy Formidable est de retour cette année avec un nouvel album intitulé ‘Wolf’s Law’, trois ans après l’explosif ‘The Big Roar’. Un nouvel opus encore plus abouti et audacieux qui devrait en toute logique servir de rampe de lancement au trio Gallois qui nous confie dans cette interview accordée à l’occasion de son passage en concert à Paris les secrets de fabrication et une analyse complète de l’imagerie qui accompagne ce disque. Un entretien pour le moins ‘érudit’.

THE JOY FORMIDABLE - Interview - Paris, mardi 12 février 2013

Le thème de la nature, des animaux, des paysages est récurrent sur ce nouvel album. Pouvez-vous me dire ce qui vous a influencé dans son écriture ?

Ritzy : Beaucoup vient de là où nous avons grandi et où le groupe a commencé, c’est-à-dire au Nord du Pays de Galles. Il y a de très beaux endroits, calmes, très accidentés. Donc je pense que nos personnalités, ce qui a formé notre créativité, vient beaucoup de notre imagination. Les symboles du monde naturel. La nature est une métaphore très vocative de la vie et de la spiritualité, de notre manière de penser. C’est déjà très présent sur le premier album. Les paroles et l’imagerie sont déjà beaucoup entrelacées avec la nature. Je pense qu’il n’y a pas de plus belle métaphore. L’album parle beaucoup du fait de se reconnecter avec soi-même de nombreuses manières différentes. A travers les relations avec les gens, ou spirituellement avec soi-même, essayer de sortir d’une période sombre et recommencer à penser et à ressentir les choses avec des pensées ‘fraîches’.

Rhydian : Ça parle en fait beaucoup du manque de connexion, ça nous fait réfléchir sur combien nous en avons. Il y a un équilibre entre optimisme et pessimisme.

Ritzy : Ce n’est pas juste une vision romantique de la nature. C’est si beau d’un côté et très sombre et cruel de l’autre. Donc comme je le disais au début c’est une métaphore parfaite et très naturelle pour nous en raison de notre éducation.

Rhydian : Il y a également des histoires personnelles. On parle des gens, on observe les choses d’un point de vue social. Il y a par exemple une chanson qui s’appelle ‘The Leopard & The Lung’ qui parle de Wangari Maathai qui était une écologiste Kenyane. Son histoire a été une source d’inspiration pour nous. C’était une femme ridiculement forte et nous voulions défendre sa cause, ce pour quoi elle s’est battue. En fait elle a affronté son gouvernement seule. Les histoires de ce genre ne sont pas racontées assez souvent. Son histoire est intimement liée à la nature. Elle a donné du pouvoir aux femmes Kenyanes en leur permettant de cultiver le sol, et les arbres y ont également joué une part importante. Cette quête d’une vie meilleure pouvait passer par quelque chose d’aussi simple que de planter un arbre. On a envie d’entendre plus d’histoires de ce genre plutôt que de parler de choses insipides tout le temps. Comme lorsque tu postes un Tweet du genre ‘voilà ce que j’ai pris à l’heure du thé aujourd’hui’. On a envie de profondeur aussi.

J’imagine qu’il y a également un lien avec le titre de l’album. Que signifie ‘Wolf’s Law’?

THE JOY FORMIDABLE - Interview - Paris, mardi 12 février 2013Ritzy : C’est un terme scientifique. Il décrit comment les os sont capables de s’adapter au stress, à la casse. Les thèmes abordés sur le disque sont variés et la nature est l’un d’entre eux mais il y a sans aucun doute des chansons plus personnelles qui parlent de relations, de réconciliations, comme guérir d’une dépression. Il y a cette idée de rassembler les gens. C’est l’une des couches qui constituent cet album. Il y a tous ces symboles que l’on retrouve tout au long du disque, la nature, le loup… Ce sont des choses sur lesquelles nous avons lu tout le temps, une fois encore en raison de notre éducation, on aime le folklore, la mythologie. Le symbole du loup dans les différentes cultures est si ambivalent. C’est quelque chose d’optimiste pour certaines, de mauvaise augure dans d’autres. Il y a cette idée de lumière et d’obscurité, donc le titre couvre une grande partie des thèmes abordés par l’album. La science opposée à la nature.

Et comment s’est passé l’enregistrement de l’album, c’était différent du précédent?

Ritzy : Oui. L’écriture était similaire étant donné que nous étions beaucoup sur la route. Pendant la tournée du premier album nous écrivions dans le car, dans les chambres d’hôtel, beaucoup de démos et d’expérimentations. Avoir bénéficié de ce temps explique en partie la nouvelle instrumentation qui est apparue sur ce nouvel album, parce que pendant cette période de 12 à 18 mois il y a eu beaucoup de travail de fond quand nous avions le temps de le faire. Puis nous sommes allés à Portland, dans l’état du Maine, USA, avec beaucoup de matière, tant de chansons composées en tournée. Nous y avons passé une semaine et le plus gros challenge c’était probablement de parvenir à maîtriser toutes ces chansons, tout ce que nous avions créé. Là-bas nous avons donc remis chaque morceau à nu, avec juste une guitare acoustique, la voix, le piano, et je pense que ça nous a permis d’obtenir une meilleure palette de voix et de mélodies, de faire ressortir le côté émotionnel de chaque chanson. Nous étions un peu plus ouverts, et un peu plus vulnérables aussi. Certains titres sont restés plus intimes, comme ‘Silent Treatment’, d’autres sont très orchestrés ou dirigés par les guitares. C’était excitant, très différent du premier album.

Ensuite l’album a été mixé par Andy Wallace, comment s’est passé votre travail ensemble?

Rhydian : C’était un jumelage parfait! Nous savions que c’était lui que nous voulions. Il a fait de grands disques de Rock, de Pop, et d’auteurs-compositeurs comme Jeff Buckley. En les passant en revue j’ai apprécié son approche musicale et l’excellent son de batterie qu’il parvient à rendre aussi. Je pense que ce point a joué un grand rôle, car le groupe est très difficile. Il n’y a pas tellement d’albums que j’apprécie juste pour le son de leur putain de batterie! Donc j’ai toujours eu une très haute opinion de lui. Et tout s’est passé très rapidement. Nous avons passé environ 2 semaines avec lui, c’est quelqu’un de direct, il ne nous baratinait pas et après avoir écouté les chansons un couple de fois il comprenait ce que nous voulions en faire. C’est beau quand ce genre de relation fonctionne parce qu’on se comprend. C’est comme quand nous écrivions l’album à Portland, nous avions l’impression de faire des chansons à la chaîne, non pas parce que c’est facile, mais parce qu’on a à chaque fois le sentiment de savoir où l’on va.

Ritzy : C’était donc la fin parfaite. On a d’abord produit le disque parce qu’on savait comment le faire sonner. Mais pour cette dernière étape avoir quelqu’un comme lui qui intervient avec des oreilles ‘fraîches’ a permis de faire ressortir des moments magiques du disque.

Rhydian : Et l’album est également plein de couleurs. Il y a de la harpe, un parfum de musiques de l’Est également. Il nous a aidé à mettre l’accent sur ces différentes tonalités.

Il y a d’ailleurs plus de piano sur cet album. Etait-ce difficile de passer des guitares bruyantes au piano ?

Ritzy : Non, c’était très naturel. Rhydian joue du piano, il le faisait déjà sur le premier album, mais peut-être que l’accent était moins porté là-dessus. Et c’est aussi devenu une partie importante de l’écriture de ce nouveau disque. Quand on parlait de remettre les choses à nu, parfois il s’agissait donc de réduire les morceaux juste au piano et au chant.

Rhydian : Nous sommes intéressés par l’écriture, pas juste par les guitares. Il y a de grands disques qui n’ont pas une seule guitare dessus ! On aime donc le challenge que représente le travail avec de nouveaux instruments, c’est le genre de choses qui te pousse en avant. Par exemple cette fois-ci on a composé des parties orchestrales, et on a aimé ce défi et je ne pense pas qu’on ait été dépassé , au contraire on est parvenu à le maîtriser à notre façon. Ça n’a rien d’étrange pour nous de faire une chanson au piano et juste derrière une autre très « heavy » . Ça l’est peut-être pour d’autres parce que les choses évoluent souvent dans un seule dimension ces temps-ci. Pourquoi resté bloqué à une seule chose ? Il n’y a pas de règles, en tout cas c’est ainsi que nous le voyons.

Et ce n’était pas trop difficile de composer des parties classiques et de travailler avec un orchestre philharmonique ?

Ritzy : C’était sans aucun doute un bon challenge, parce que quand tu composes à la guitare tout de suite tu peux le jouer et même l’enregistrer. Alors qu’il y a cette part d’inconnu quand tu composes, tu peux l’entendre dans ta tête mais tant que tu n’est pas en studio avec toutes les sections et les chœurs tu n’est pas sûr de ce que cela va donner. Mais c’était excitant, et une évolution naturelle dans notre écriture.

Rhydian : Il y avait déjà ce côté très orchestral sur les guitares, on a essayé de faire la même chose avec une autre approche.

Pour en revenir aux chansons, que signifie ‘Cholla’, c’est un cheval ?

(rire général…)

Ritzy : Ah, oui il y a un cheval qui s’appelle Cholla ! C’est un cheval peintre ! Il tient le pinceau dans sa gueule et il peint des tableaux qui sont à vendre ! Mais ça n’a rien à voir avec lui !

THE JOY FORMIDABLE - Interview - Paris, mardi 12 février 2013Rhydian : Ah ah on devrait faire une chanson sur lui !

Ritzy : Pour le prochain album on y pensera ! Donc ce n’est pas sur lui… Cholla, c’est une variété de cactus et il y en a un jardin en Californie dans la parc national de Joshua Tree. Et cette chanson est inspirée par une visite que nous y avons faite. C’est une chanson très personnelle qui parle d’une relation entre une mère et sa fille qui se brise alors que ce sont des liens d’amour qui devraient être très forts . Donc la chanson ne parle pas du cactus mais le symbole qu’il représente. Il te repousse mais en même c’est quelque chose de très répandu dans le paysage.

Vous avez beaucoup tourné autour du monde pour le précédent album , et vous avez notamment fait les premières parties de Muse, est-ce que vous pensez que cela a eu une influence sur votre son et sur vos compositions?

Ritzy : La tournée en général… ou tourner avec Muse… spécifiquement !? (sourire) Tourner avec Muse, certainement pas ! Ça ne nous a pas influencés.

Je voulais plutôt parler du fait de jouer devant des publics nombreux.

Rhydian : Je ne pense pas. Je crois que ça ne nous a jamais fait peur de jouer dans un petit club ou dans un stade. On a le sentiment que notre musique doit être un échange avec le public, donc jouer devant un large public n’est pas un chose avec laquelle nous nous sentons gênés, parce qu’on veut impliquer les gens , qu’il y ait une conversation. Les chansons parlent de choses importantes pour nous. Une fois que les chansons sont écrites il faut sortir les jouer avec autant d’intensité et de détermination que possible, quel que soit le public. Depuis le début on a fait tellement de concerts. Cela nous a permis de construire deux disciplines différentes. Le live c’est une bonne occasion de changer ses morceaux pour offrir quelque chose de différent aux gens quand ils reviennent aux concerts. On a des fans très dévoués qui viennent à tous nos concerts, par exemple au Royaume-Uni. C’est bien de changer les choses pour eux aussi afin qu’ils n’assistent pas au même concert chaque soir. On fait ça autant que possible. C’est donc quelque chose de plus large que d’apprendre quelque chose du fait de jouer avec Muse en particulier, par exemple.

Ritzy : On est très excité par les concerts. Il y a une bonne relation qui s’entremêle entre le live et les enregistrements. Et les deux sont quand même séparés parce que quand nous enregistrons on ne se dit pas « comment devrait-on tourner ce morceau pour qu’il convienne en concert ? » et sur scène on n’essaie pas de reproduire le disque non plus. Les deux sont dynamiques, et tant qu’il y a de la passion d’un côté comme de l’autre tout cela a du sens. Les chansons peuvent ainsi avoir une deuxième vie, donc oui j’aime la variété qu’offre la possibilité de combiner ces deux mondes.

Pour finir je voulais vous parler de votre plus grand fan : Dave Grohl ! Qu’est-ce que ça vous fait ? Vous a-t-il déjà invités à jouer avec lui en concert ?

Ritzy : Oui, on a fait une tournée américaine avec les Foo Fighters en novembre dernier et on a adoré ça! On a aimé le faire de voir et d’accompagner un groupe qui après tout ce temps est toujours là pour la musique, qui passe un bon moment en allant sur scène en donnant tout ce qu’il a. Un groupe qui ne fait pas juste semblant, plein de sens et d’émotions. Malgré le fait qu’ils soient depuis si longtemps dans cette industrie, ils ont toujours cette fraîcheur et c’est une source d’inspiration pour un jeune groupe de voir ça, ce sens de la camaraderie et le fait de soutenir de nouveaux groupes. Nous avons tous la responsabilité de faire découvrir de nouvelles musiques, c’est ainsi que l’industrie musicale continue à vivre. Nous sommes en bien meilleure position de faire ça qu’une putain de maison de disques et que des ‘recommandeurs’, lorsque les groupes s’aident les uns les autres.

Rhydian : Et le fait de faire découvrir de la bonne musique, pas juste nouvelle.

Ritzy : Oh oui, je parle de bonne musique!

Rhydian : Je dis cela parce qu’il y a souvent une obsession du « nouveau ».

Ritzy : Il y a tellement de nouveaux groupes à qui l’on ne prête jamais attention. C’est souvent très dur pour eux juste d’exister, d’avoir des articles publiés, particulièrement s’ils font quelque chose un peu en marge.

Rhydian : Il y a des groupes plus vieux qui se sont toujours battus pour survivre.

Ritzy : OK! Un bon équilibre entre jeunes et vieux! (rires). Il faut donc défendre la bonne musique au lieu de le faire parce que l’on pense que c’est à la mode ou qu’il y a de l’argent à se faire derrière. Donc je pense que c’était la plus belle chose dans notre relation avec Dave Grohl, parce qu’il a entendu les chansons, il les a aimées, et il nous a emmené avec lui en tournée. Ca devrait être aussi simple que ça, sans avoir besoin d’impliquer qui que ce soit d’autre. Suivre tes sentiments d’artistes et soutenir ceux que tu aimes.

Propos recueillis à Paris le mardi 12 février 2013

Un grand merci à The Joy Formidable, Karine Sancho pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Warner Music France.

Pour plus d’infos :

‘Wolf’s Law ‘ (2013)
‘The Big Roar’ (2011)

La Maroquinerie, Paris, mardi 12 février 2013 : galerie photos
Le Nouveau Casino, Paris, lundi 24 octobre 2011 : galerie photos

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