Vous êtes ici
Accueil > Interviews > SLOWDIVE – Interview – Paris, vendredi 7 avril 2017

SLOWDIVE – Interview – Paris, vendredi 7 avril 2017

Il y a des interviews plus fantasmées que d’autres, et certaines que l’on n’aurait jamais crues possibles. Slowdive faisait partie de celles-là. Presque un beau souvenir de jeunesse qui en serait probablement resté là si les cinq membres du groupe n’avaient eu la très bonne idée de se reformer en 2014. Cette renaissance atteint aujourd’hui son aboutissement avec la sortie d’un nouvel album éponyme, 22 ans après son prédécesseur. Et c’est Neil Halstead qui nous en parle.

SLOWDIVE - Interview - Paris, vendredi 7 avril 2017

Pour commencer cette interview, j’aimerais tout d’abord revenir à 2014 quand vous avez décidé de vous reformer et de partir en tournée. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Neil Halstead : Il y avait plusieurs raisons. Nous avions fait un concert avec Rachel et Simon et joué quelques chansons de Slowdive, auquel le reste du groupe avait assisté, et nous avons alors un peu blagué sur le sujet. Mon ami Nat Cramp qui s’occupe du label Sonic Cathedral m’a dit que nous devrions faire des sessions acoustiques, mais nous lui avons répondu que nous ne faisons jamais ça, c’est toujours électrique. C’est à partir de là que nous avons commencé à plaisanter là-dessus et nous nous sommes retrouvés ensemble !  Mais nous nous étions entendus sur le fait que si le groupe se reformait il faudrait faire quelque chose de créatif, de nouveau. Nous avons commencé à parler d’un nouvel album et tout le monde était plutôt excité par cette idée. C’était le point de départ. Après nous nous sommes retrouvés à jouer à Primavera, puis à faire quelques autres concerts la même année, pour retrouver un élan et commencer à travailler sur un nouvel album.

Ça vous a paru naturel de vous retrouver en local de répétition et de reprendre les choses là où vous les aviez laissées, 20 ans après ?

Neil Halstead : C’était assez étrange, mais je me souviens que la première chanson que nous avons rejouée était « Slowdive », la première que nous ayons jamais sorti, et tout le monde s’est mis à sourire parce que notre son faisait subitement son retour. Je ne pense pas que nous nous attendions à ce que ce soit si facile, on s’est juste dit « Oh ! C’est comme ça qu’on la joue ! ». L’une des plus belles choses avec cette reformation était de reprendre le contact les uns avec les autres, de réveiller cette amitié, parce que nous avions été si proches pendant 6 ans, avant même d’avoir fait des disques, c’était donc très agréable de pouvoir passer à nouveau du temps ensemble.

Il semble que pendant les années 90 vos albums ont souffert d’un manque d’amour de la part de la presse britannique, ou ne sont jamais sortis au bon moment, en avez-vous souffert ?

Neil Halstead : Oui, apparemment nous attirons pas mal de mauvaises critiques et c’était assez dur à l’époque. Le timing des sorties était sans doute un problème, c’était l’époque du Grunge et de la Britpop et ça a certainement fait de l’ombre aux disques que nous avons sortis.

Et quand Creation Records vous a laissés partir après « Pygmalion », ne vouliez-vous pas continuer l’aventure avec un autre label, ou en tout cas bien plus tôt que vous ne l’avez fait ?

Neil Halstead : Non, je pense qu’à ce moment-là le groupe était en train de se disloquer. Simon nous avait déjà quittés et nous avions fait tout ce que nous pouvions ensemble d’un point de vue créatif. Il n’y avait plus vraiment de désir de poursuivre, tout le monde avait hâte de faire d’autres choses. Nous avions 23/24 ans, nous venions de passer six années intenses pendant lesquelles nous avions sorti trois albums et quelques EPs, nous avons beaucoup tourné, et tout ça quasiment sans interruption.

SLOWDIVE - Interview - Paris, vendredi 7 avril 2017Et ne trouvez-vous pas un peu ironique le fait que vos albums qui avaient été critiqués à l’époque soient aujourd’hui considérés comme des classiques et encensés par tous ?

Neil Halstead : Oui c’est un peu bizarre si tu regardes les articles écrits sur nous à l’époque. Je suppose qu’il faut parfois du temps pour trouver ton public ! Nous n’avons jamais été un gros groupe, à l’époque nous avions ce public « cool », et certains d’entre eux ont continué à nous suivre. Et bien sûr nos disques ont attiré l’attention d’une nouvelle génération, c’est super de voir qu’ils continuent de résonner ainsi, nous ne nous serions jamais attendus à ça à l’époque où nous les avons réalisés, c’est une chose étrange et magnifique pour nous. C’est certain, le début des années 90 n’était pas le bon moment pour nous.

Vous n’êtes pas le seul groupe iconique de l’époque à se reformer et sortir un nouvel album puisque Ride revient aussi très bientôt, comment expliquez-vous cela ?

Neil Halstead : Je trouve ça vraiment bizarre ! Nous allons sortir nos albums presque à la même date 20 ans après avoir fait le dernier… C’est dingue, et je n’ai pas d’explication pour être honnête ! J’ai joué avec Sun Kill Moon à Primavera en 2015 et j’ai vu Ride là-bas, j’ai parlé avec Mark (Gardener) et Andy (Bell) après le concert, c’était bon de les revoir jouer et je leur souhaite le meilleur. Mais ce hasard du calendrier pour nos nouveaux albums est absolument étrange, ils étaient nos héros quand nous avions 14/15 ans, c’était des dieux pour nous ! Drôle de timing !

Vous avez tourné environ deux ans depuis votre reformation, à quel moment vous êtes-vous sentis prêt à enregistrer un nouvel album ?

Neil Halstead : Tout simplement une fois qu’il a été prêt, ça nous a pris deux ans en raison des tournées. Même avant de reprendre les concerts nous avions décidé de faire un disque. Les concerts étaient nécessaires pour redevenir Slowdive. Nous avons donc tourné pendant un an et à partir de là nous sommes allés en studio de temps à autres pour travailler sur de nouvelles idées ou des chansons. Je rapportais tout ça chez moi et quelques mois plus tard nous nous sommes à nouveau réunis pour continuer. Le disque a donc commencé à prendre forme lentement. Nous sommes allés passer deux semaines aux Courtyard Studios en juillet 2016. C’est là que nous avions enregistré nos albums précédents. Chris Hufford, qui avait produit nos disques à l’époque et qui est aussi manager de Radiohead, est toujours propriétaire du studio et il nous a dit « Venez au studio, ce serait bon de vous revoir ici ! ». Donc c’est ce que nous avons fait et c’était vraiment bien, nous avons rassemblé nos idées et le disque a commencé à prendre forme.

Et ce studio, Courtyard, a quelque chose de particulier pour vous, vous vous-y sentez un peu chez vous ?

Neil Halstead : C’était bien d’y aller parce que nous avons tellement de bons souvenirs là-bas, probablement nos meilleurs en tant que groupe lorsque nous y avons enregistré nos albums précédents. C’était logique d’aller là-bas et les choses n’ont pas vraiment changé, il y a toujours le même canapé par exemple. La table de mixage n’est plus la même, mais nous n’avons pas travaillé avec Chris Hufford cette fois-ci mais avec Ian Davenport et c’était super. Donc oui, cet endroit représente sans aucun doute quelque chose de spécial pour nous que l’on retrouve certainement sur ce disque également.

Comment s’est passé l’écriture de cet album ? Aviez-vous peur de vous laisser un peu trop diriger par la nostalgie ?

Neil Halstead : Nous n’avions pas peur de nous répéter. Chacun de nos albums s’est fait assez naturellement et il était important que celui-ci trouve sa propre voie. Nous ne nous sommes pas assis avec une idée établie de ce que nous allions faire et le résultat est finalement plus Pop que ce que nous avions imaginé. Et c’est intéressant parce que j’avais plutôt imaginé faire quelque chose de relativement abstrait, une ambiance sonore. Mais quand tu connais le groupe, c’est bien un disque de Slowdive, il fallait que ça le soit.  Nous n’avions absolument aucune pression pour faire cet album, donc si nous n’avions pas été satisfaits du résultat nous aurions très bien pu faire comme si tout ça n’était jamais arrivé !

Avant la sortie de l’album vous avez dévoilé deux chansons : « Star Roving » et « Sugar For The Pill » qui sont assez différentes l’une de l’autre. Était-ce une façon de montrer aux gens que le disque allait être relativement varié ?

Neil Halstead : Oui, il y a probablement de ça. Et nous étions pragmatiques : le choix de « Star Roving » comme premier single nous semblait évident parce qu’il était plutôt accrocheur. C’était aussi le premier titre dont nous avions terminé le mixage, alors qu’il avait été assez difficile à assembler. Effectivement « Sugar For The Pill » est relativement à l’opposé de celui-là mais ça reste tout de même « une chanson », parce que ce n’est pas toujours ce que nous faisons !

En dépit des différences entre ces deux chansons, il semble surtout que le son de Slowdive soit toujours bien vivant !

Neil Halstead : Je l’espère ! Le plaisir que nous avons pris à faire ce disque nous a suffisamment excités pour nous donner envie d’en faire un autre, et c’est assez révélateur. Nous nous sommes remis en marche avec cet album et ça nous a donné envie d’emmener le son de Slowdive plus loin. Celui-ci reflète bien là où nous en sommes aujourd’hui mais le potentiel est là pour en faire un autre.

Ça n’a pas été trop difficile de trouver le temps d’enregistrer, parce que vous avez aujourd’hui vos familles et d’autres projets sur lesquels vous travaillez, comme Rachel avec Minor Victories ?

Neil Halstead : Oui, à nous tous nous avons 9 enfants, c’est forcément plus compliqué que lorsque nous avions 18 ou 19 ans ! Ça rendait les choses parfois un peu plus difficiles mais tout s’est bien passé !

La pochette est tirée du film d’animation de Harry Smith « Heaven and Earth Magic », peux-tu m’en parler ?

Neil Halstead : Je l’ai vu il y a quelques années, ça date de la fin des années 50. Harry Smith a initié une certaine renaissance, il s’est penché sur tellement de choses, de l’anthologie Folk à son travail d’animation et musical. Ce film d’animation représente une certaine forme narrative de l’industrialisation de la vie qui empiète sur la spiritualité. C’est assez surréaliste. A moment du mixage de l’album je pensais au titre que nous allions lui donner et cette image d’une tête dans une boîte qui est également une tête au milieu de l’univers pour moi, et j’aimais beaucoup la dualité de cette image qui évoque une pensée renfermée mais aussi le fait de prendre de la hauteur. Pour moi ce disque est communicatif mais assez cérébral également. Je le considère plus proche de la réalité que les autres disques de Slowdive. J’ai finalement demandé aux personnes qui gèrent ses archives si nous pouvions utiliser une image de cet artiste et ils ont été vraiment cool, ils ont accepté.

J’étais à votre concert au Trabendo en avril et il y avait beaucoup d’amour dans l’air – dans les deux sens – et toutes vos places de concerts se sont vendues très vite. Avez-vous été surpris par la réaction du public lorsque vous avez retrouvé le chemin de la scène ?

Neil Halstead : Oui, nous ne nous étions pas rendus compte qu’il y avait autant d’intérêt pour le groupe. Et il y a toute une nouvelle génération dans le public, des jeunes de 17 ou 18 ans qui ont découvert notre musique après. C’était un choc pour nous. Nous pensions que la première salle que nous avions réservée à Londres, The Village Underground, allait être trop grande. C’était complet en trois minutes. Elle contenait 600 places alors que la dernière fois que nous avions joué à Londres 20 ans plus tôt nous avions dû vendre 300 billets environ. On s’est dit « Putain ! Il va falloir repenser aux salles que nous choisissons ! ». C’était une belle surprise.

SLOWDIVE - Interview - Paris, vendredi 7 avril 2017

Êtes-vous anxieux de voir la réaction du public à la sortie de l’album ?

Neil Halstead : Oui, je crois que tous les musiciens sont assez nerveux de savoir comment leur musique va être accueillie, mais le public semble apprécier nos nouvelles chansons en concert. Ils sont évidemment là pour entendre les vieilles aussi, mais en général ils semblent prendre du plaisir et c’est important pour nous, en tant que groupe, de pouvoir se concentrer sur nos nouvelles compositions.

Et je pense que le fait que ce soit le groupe entier, avec les 5 membres d’origines, et que vous preniez de toute évidence beaucoup de plaisir à jouer fait toute la différence.

Neil Halstead : Je crois que si nous n’avions pas tous été là ça ne se serait pas fait. C’était important de le faire en tant que groupe.

Ironie du sort, vous semblez plus populaires aujourd’hui qu’il y a 20 ans, pensez-vous que cela peut vous ouvrir plus de portes qu’à l’époque ?

Neil Halstead : Oui, dans l’industrie musicale j’ai le sentiment que nous avons plus d’opportunités. A l’époque nous n’avions pas vraiment joué dans des festivals parce qu’ils n’avaient pas envie de nous faire venir mais maintenant c’est beaucoup plus facile. Le groupe est sans aucun doute beaucoup plus accepté. Mais c’est peut-être ce qu’il faut faire : rester à l’écart pendant 20 ans !

Beaucoup de jeunes groupes considèrent aujourd’hui l’époque ‘Shoegaze » comme une influence majeure, comme les français de Dead Sea qui ont ouvert pour vous au Trabendo par exemple. Que penses-tu de tous ces jeunes qui veulent faire cette musique ?

Neil Halstead : Tout d’abord j’aime beaucoup le fait qu’ils aient repris possession du terme « Shoegaze » comme un genre parce qu’ils aiment cette musique, parce qu’à l’origine c’était plutôt péjoratif. Je trouve ça super, c’est vraiment bien que cette musique parle à des gens aujourd’hui et les inspire. Il y a tellement de groupes qui méritent plus d’attention et dont personne n’entend parler, comme A.R. Kane à l’époque et leur album « 69 » qui était à mon avis brillant, ils ont influencé Slowdive. Les gens connaissent My Bloody Valentine ou les Cocteau Twins qui ont un répertoire bien plus gros, mais « 69 » est un disque précurseur !

Propos recueillis à Paris le vendredi 7 avril 2017.

Un grand merci à Neil Halstead, Slowdive, à Agnieszka Gérard pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Pias France / Dead Oceans.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de « Slowdive » (2017)

Le Trabendo, Paris, dimanche 2 avril 2017 : galerie photos

http://www.slowdiveofficial.com/
https://www.facebook.com/Slowdive/
https://twitter.com/slowdiveband

Laisser un commentaire

Top