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THE HORRORS – Interview – Paris, samedi 8 juillet 2017

THE HORRORS - Interview - Paris, samedi 8 juillet 2017Après 12 ans de carrière, l’heure était venue pour The Horrors de chercher de nouvelles voies pour continuer à faire évoluer leur musique inquiétante, atmosphérique, saturée, mais aussi très belle. C’est l’affable Rhys Webb, bassiste du groupe, qui nous en a parlé lors de leur concert à l’Hôtel de Ville de Paris en juillet dernier à l’occasion du festival Fnac Live. Il a beaucoup été question de créativité et bonne nouvelle : ce nouvel album n’en manque pas !

Vous êtes récemment revenus avec un nouveau single intitulé « Machine » sur lequel on pouvait d’emblée remarquer la nouvelle direction musicale du groupe, était-ce un signal que vous vouliez envoyer à vos fans avant la sortie de l’album ?

Rhys Webb : Je pense que oui. Nous sentions que nous nous étions éloignés de nos racines plus lourdes et je crois qu’après le dernier album l’une des choses que nous voulions vraiment faire était d’être un peu plus méchants, de revenir à un son plus fort et fuzzy. C’était important pour nous sur ce disque. Quand nous avons commencé à travailler sur ce titre je me souviens avoir écouté l’intro à la batterie et dit à Tom (Furse, claviériste du groupe, ndlr) : c’est exactement le genre de titre que nous devrions sortir comme premier single ! Nous voulions revenir avec une explosion, avec quelque chose qui ait du punch.

Depuis vos débuts en 2005, vous avez gravi l’échelle du succès, et des ventes, y-a-t-il un moment, lorsque l’on se retrouve tout en haut, où l’on a peur de s’ennuyer, ce qui donne envie de faire quelque chose de différent ?

Rhys Webb : Oh non. J’ai le sentiment que nous nous sommes plutôt trouvés dans cette situation avec l’album précédent, mais ce n’était pas nécessairement lié au succès. Nous étions en pleine ascension dans notre créativité depuis nos trois premiers albums, et notre façon de travailler enfermés tous les cinq en studio commençait à nous fatiguer un peu. Nous avions besoin de nous revigorer, et quoique nous fassions ensuite devait être un pas en avant, une nouvelle direction, l’heure d’explorer de nouveaux sons.

Avez-vous considéré cette nouvelle approche comme un gros risque, puisque la marque de fabrique de The Horrors était plutôt basée sur des guitares saturées jusqu’ici ?

Rhys Webb : Nous avons toujours eu l’ambition d’évoluer et de progresser en tant que groupe, et nous ne nous sommes jamais questionnés sur nos motivations. Et de plus The Horrors c’est un groupe. Peu importe ce que nous faisons, nous sonnerons toujours comme The Horrors ! Le même groupe qui a envie d’être créatif et de travailler ensemble. Il s’agissait plutôt d’explorer de nouvelles sensations, des humeurs différentes, et de trouver le moyen de les communiquer. Nous voulions que ce disque soit plus brut. Auparavant, dans le confort de notre studio où nous avions tout le temps du monde, nous étions devenus un peu trop obsédés par les petits détails, du coup la musique sonnait un peu moins « live » et trop contrôlée, alors que sur ce disque nous voulions nous relâcher, prendre plus de risques et être plus spontanés. L’une des choses que nous avons immédiatement voulu faire avec ce disque fut de trouver un producteur parce que le temps était venu de travailler dans un environnement créatif différent. Ça faisait 10 ans que nous travaillions entre nous. Même lorsque nous avions collaboré avec Geoff Barrow (sur « Primary Colours », ndlr), il était tellement motivé de capturer avec nous les démos que nous avions enregistrées qu’il ne l’a pas fait d’une façon créative en tant que producteur. Il nous encourageait plutôt à enregistrer ce que nous avions fait. Avec cet album c’est la première fois que nous invitons quelqu’un d’autre à participer à l’effort créatif du groupe pour nous pousser dans des directions différentes.

THE HORRORS - Interview - Paris, samedi 8 juillet 2017Peux-tu me parler un peu de votre travail avec Paul Epworth, c’était le bon choix de producteur pour aller dans cette nouvelle direction ?

Rhys Webb : Oui, mais nous ne savions pas si ça serait le bon choix au début. Paul est producteur depuis longtemps. Quand nous étions adolescents nous achetions des 45 tours de groupes obscurs qui évoluaient dans l’Est de Londres, et il était souvent impliqué dans la production. Puis il a enregistré le premier album de Bloc Party et leur single « Banquet », nous étions encore plus ou moins des gamins à l’époque ! Il était toujours là, il a grandi en écoutant de la musique assez forte : Punk Hardcore, Indus, Techno, Hip Hop et House. Donc quand nous avons décidé de travailler avec un producteur nous voulions quelqu’un qui puisse potentiellement changer notre façon de travailler en tant que groupe. Nous avons donc pensé à lui mais auparavant nous nous sommes consacrés à une session d’écriture pendant deux semaines, puis nous sommes allés le voir avec des démos pour expérimenter avec lui deux semaines en studio et voir comment ça se passe. Nous sommes donc arrivés avec ces démos en poche et il nous a dit : « On a ces chansons, on peut travailler dessus quand vous voulez, mais essayons quelque chose de nouveau, commençons par quelque chose de frais ! ». Et c’était le défi que nous voulions relever avec cet album, sortir de notre zone de confort. Même si c’était un peu claustrophobe, nous voulions être mis à l’épreuve sur des choses que nous n’avions pas faites depuis longtemps. A nos débuts nous procédions beaucoup ainsi, sur « Primary Colours » par exemple. Nous lui avons dit OK et nous avons passé une semaine incroyable, chaque jour nous travaillions sur de nouvelles chansons, c’était très productif et nous avons passé un excellent moment. Au bout de la deuxième semaine il nous a dit :« Allez travailler sur de nouvelles démos et revenez ». C’est ce que nous avons fait. Nous sommes revenus 6 ou 8 mois plus tard, et nous avons commencé à enregistrer l’album ! Ce qui était super avec lui, c’est qu’alors que nous avions passé beaucoup de temps à peaufiner nos idées, il nous a fait avancer très vite, d’une façon très spontanée. Ça te laisse moins l’occasion de réfléchir à ce que tu fais, et quand il s’agissait d’expérimentations électroniques il nous disait « prenons ce son-là » et même si ça ne sonnait pas parfaitement bien il nous disait de le garder. Il a apporté une forme d’excitation en studio dont nous avions vraiment besoin à ce moment-là.

Et avez-vous trouvé de l’inspiration pour ce nouvel album dans le Krautrock ou le son des années 80, des groupes comme Depeche Mode mais aussi Nine Inch Nails ?

Rhys Webb : A nos débuts tous les week-ends nous avions l’habitude de nous faire écouter des disques les uns aux autres, on restait parfois toute la nuit ensemble à en écouter, et après 10 années ensemble nous avons arrêté de partager ainsi, chacun écoutait ses trucs, mais il y a un album que nous aimions tous et que j’avais emporté au studio, un disque instrumental de Nine Inch Nails qui s’appelait « Ghosts I-IV ». C’est intense mais ça pourrait être un album d’ambiance. Ça ne sonne pas comme Brian Eno mais c’est une musique instrumentale totalement immersive, il y a des sons de guitares et de batterie vraiment sauvages. Tout en écoutant cela, nous nous disions qu’il serait bien d’incorporer ce côté tranchant, un peu plus méchant, que nous aimions à nos débuts. Et puis il y a une vie entière d’inspiration musicale parce que nous avons toujours été passionnés. Parfois nous parlions de Carlos Alomar, ou d’Adrian Belew qui ont joué avec David Bowie sur « Station To Station ». Ce disque était dingue, il était sorti à la même époque que « Trans-Europe Express » (de Kraftwerk, ndlr) et d’autres albums de Krautrock. De toute évidence l’introduction à la batterie de « Station To Station » s’en inspire. Carlos Alomar utilisait des formes d’accords que nous tentions de comprendre. Il y a des groupes que nous avons toujours aimés comme Kraftwerk qui sont pour nous un peu comme les Beatles ! Et c’est marrant que tu me parles de Depeche Mode puisque nous avons tourné avec eux. J’étais déjà fan mais après la tournée j’ai voulu plonger un peu plus dans leur travail, redécouvrir leurs faces-B, des choses plus étranges ou qui ne sont pas sur les albums et que je n’avais jamais entendues, parce que je connaissais déjà évidemment « Enjoy The Silence », « Everything Counts » ou « Master and Servants » qui sont des classiques incroyables. Ce n’était pas intentionnel mais je pouvais entendre certaines choses sur notre album qui m’ont fait penser à Depeche Mode, de belles similarités. C’était une belle combinaison, probablement les meilleures premières parties que nous ayons faites, et puis nous venus tous de l’Essex au Royaume-Uni. Nous sommes deux groupes qui avons commencé très jeunes, qui ont continué à apprendre tout en écrivant et composant. Et bien que Depeche Mode était un groupe Pop, ils avaient cette énergie Punk dans leur musique et aussi cette idée de vouloir intégrer la musique électronique et Dance dans ce qu’ils faisaient. Je ne pense pas que nous sonnons exactement comme eux, mais nos deux groupes ont de belles ressemblances, dans notre musique et dans notre motivation également.

Et qu’est-ce que ça fait de jouer dans un stade devant un public qui n’est pas nécessairement là pour vous ?

Rhys Webb : En fait nous étions un peu inquiets ! Des membres de leur staff nous avaient prévenus que leurs fans étaient tellement passionnés par Depeche Mode qu’ils n’accueillaient pas forcément très bien les premières parties. Nous avions donc un peu peur de leur réaction. Le premier concert que nous avons joué était à Dresde et nous avons pris beaucoup de plaisir et le public semblait apprécier mais il ne semblait pas avoir beaucoup d’énergie et nous nous sommes dits « pourvu que ce ne soit pas comme ça pendant toute la tournée ! », mais ensuite tous les autres concerts que nous avons joués ont été absolument incroyables. Un bel accueil du public, une vraie énergie, nous avons vraiment passé un excellent moment, sans aucun doute notre meilleure tournée en première partie d’un autre groupe.

Oui, parce que votre tournée en tête d’affiche arrive ensuite, en octobre.

Rhys Webb : Oui c’est ça, et pour nous c’était la fin d’un chapitre de finir cette tournée avec Depeche Mode en sachant qu’une semaine plus tard nous allions sortir notre nouveau single. C’était une bonne façon de tourner la page avant la suite.

Malgré cette nouvelle direction musicale, l’album reste assez varié, avec des titres comme « Gathering » au milieu de l’album joué à la guitare acoustique, celle-ci me rappelle d’ailleurs « Luminous ».

Rhys Webb : Oui, en gros nous n’avons jamais vraiment essayé de complètement remodeler notre son. L’intention n’a jamais été de se démarquer totalement de ce que nous avions fait avant, nous voulions juste pousser les choses dans de différentes directions, d’une façon que nous n’avions pas faite sur le précédent album et probablement depuis quelques années. Prendre plus de risques et étant plus bruts et en conservant cette énergie. Je trouve que cet album sonne plus comme celui d’un groupe qui travaille ensemble que le précédent. Au sujet de « Gathering », c’était la première fois que nous avons essayé d’écrire une chanson à la guitare acoustique, juste avec la voix de Faris. Nous sommes allés passer une semaine en studio tous les deux et cette chanson est issue de cette session, je l’aime vraiment !

Et en même temps vous revenez à des sonorités plus sombres, comme sur « Primary Colours » d’une certaine manière, un retour à vos racines en quelque sorte ?

Rhys Webb : Il y avait de cela, nous voulions vraiment recapturer l’intensité de nos premiers morceaux et de nos premiers shows aussi. A chaque fois que nous sommes sur scène, tout ce que nous enregistrons est deux fois plus difficile à jouer et nous avions très envie de faire cet album plus « heavy ». « Machine » ne représente pas nécessairement l’album en entier. Même dans ses instants les plus minimalistes – il y a notamment un titre qui s’appelle « Ghost » qui est le plus éloigné de tout ce que nous avons enregistré pour ce disque – celui-ci et « Gathering » sont des routes que nous n’avions que très peu explorées auparavant. Il y a un morceau intitulé « It’s a Good Life » vers la fin qui est également totalement différent de tout ce que nous avons fait auparavant.

<iframe width="854" height="480" src="https://www.youtube.com/embed/N9NxsuAV7EA" frameborder="0" allowfullscreen></iframe>La dernière chanson de l’album, « Something to Remember Me By », est aussi particulièrement différente, dans un style proche de New Order, comment vous est-elle venue ?

Rhys Webb : Cette chanson a failli ne pas être sur l’album, ni enregistrée. Nous l’avions écrite il y a deux ans et certains membres du groupe ne l’aimaient pas tellement, du coup elle s’est retrouvée un peu perdue dans la pile de morceaux que nous avons écrits ensuite. J’ai toujours aimé la musique électronique, la techno, la house et étrangement, je me rappelle avoir écouté à ce moment-là de la Trance, et cette chanson m’y fait penser. Pas de la Trance pourrie, mais plutôt des choses comme le son de « Tour de France Soundtracks » (de Kraftwerk, ndlr). Nous voulions un morceau électronique énergique. Nous l’avons envoyé à Faris et il y a immédiatement posé ses paroles et sa voix sur les couplets et refrains, tout naturellement, sans le moindre effort. Ce genre de choses arrive parfois et pour nous c’est ce qu’il y a de mieux, tu n’as pas trop besoin d’y réfléchir, et ça fonctionnait. Les meilleures chansons que nous avons écrites ont toujours marché comme ça. Nous aimons jouer ce titre en instrumental, je me souviens l’avoir joué à l’anniversaire de ma sœur, on dansait dessus. La première fois que je l’ai entendu je trouvais qu’il sonnait comme un single, je ne sais pas pourquoi nous l’avons perdu en chemin mais en tout cas c’est l’une de ces choses qui arrive naturellement, probablement le morceau le plus Pop que nous ayons jamais enregistré. Et ça marche parce que nous n’avions pas vraiment l’intention qu’il soit ainsi, et puis c’était une bonne manière de finir l’album.

Quand vous avez commencé il y a une douzaine d’années, imaginiez-vous que vous alliez connaître une telle carrière ?

Rhys Webb : Non, pas du tout ! Notre ambition n’était pas de faire carrière mais de vivre au mieux l’instant présent et prendre du plaisir à faire des concerts vraiment sauvages. Et la possibilité d’enregistrer juste un 45 tours était tout en haut de notre liste d’ambitions. Mais nous ne nous sommes pas vraiment arrêtés depuis, c’est un beau voyage !

Propos recueillis à Paris le 8 juillet 2017 à Paris.

Un grand merci à Rhys Webb et The Horrors, à Florian Leroy pour avoir rendue cette interview possible ainsi qu’à toute l’équipe de Caroline International France.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de « V » (2017)

Chroniques :

‘Luminous’ (2014)
‘Skying’ (2011)
‘Primary Colours’ (2009)

Festival Fnac Live – Parvis de l’Hôtel de Ville – Paris, samedi 8 juillet 2017 : galerie photos

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