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THE JEZABELS – Interview – Paris, mardi 11 mars 2014

Désormais superstars en Australie, les Jezabels sont de retour cette année avec ‘The Brink’, un nouvel album à l’ambition plus Pop assumée qu’ils sont venus défendre à Paris en concert à la Maroquinerie en mars dernier. A cette occasion nous nous sommes entretenus avec leur guitariste, Samuel Lockwood, avec qui nous sommes revenus sur le parcours du groupe ainsi que la genèse de ce nouveau disque.

THE JEZABELS - Interview - Paris, mardi 11 mars 2014

Pour commencer pourrions-nous parler un peu du groupe pour vous présenter au public français, comment se sont rencontrés les Jezabels, comment l’histoire a-t-elle débuté ?

Samuel : C’est avec les deux filles du groupe, Hayley et Heather, que tout a commencé. Elles ont grandi ensemble et étaient très proches, elles jouaient de la musique depuis qu’elles étaient très jeunes. Je connaissais un peu Hayley à cette époque, là où nous avons grandi, mais le groupe s’est formé à l’Université de Sydney. Il y avait un concours entre les groupes de l’université, donc nous nous y sommes inscrits et c’est là que nous avons rencontré Nik, notre batteur. Tout a commencé comme un hobby, puis c’est devenu de plus en plus sérieux au fil des mois.

Et ça remonte à quand ?

Samuel : Mars 2007, il y a 7 ans déjà !

J’ai lu que vous aviez commencé comme un groupe de Folk qui a ensuite évolué vers le Rock, pourquoi ce changement de cap ?

Samuel : Oui, en fait on a été un groupe de Folk pendant environ deux mois ! C’était Hayley et Heather qui faisaient de la Folk, avec un guitare et Heather jouait un peu de violon.

C’est donc avec l’arrivée des nouveaux membres que tout a changé ?

Samuel : Oui… Faire de la musique Folk, c’est un challenge. Et puis par exemple Nik, notre batteur, a un style particulier, de même que moi à la guitare. Hayley a commencé à se pencher un peu dans cette direction là et ça a fonctionné, tout simplement. On ne s’est pas dit « devenons électriques », on a naturellement évolué dans cette direction.

On vous décrit souvent comme un groupe féministe, est-ce vraiment le cas, et si oui, de quelles manières exprimez-vous cette position ?

Samuel : Oui, je suis sans aucun doute un féministe ainsi que les autres membres. Quand j’étais à l’Université par exemple j’étais engagé, il y a aussi eu récemment la journée internationale de la femme qui est quelque chose de très important. Mais juste le fait d’être dans un groupe avec deux gars, deux filles, et de se retrouver sur un pied d’égalité dans notre relation créative, c’est déjà quelque chose. Je pense d’ailleurs qu’on laisse le groupe être dominé par les filles, Nik et moi restons un peu en retrait.

Il n’y a rien de vraiment particulier dans les paroles qui laisserait supposer cette position ?

Samuel : Les choses dans les paroles ne sont pas vraiment didactiques mais plutôt symboliques. Les explorations des textes de Hayley sont plus basées autour de l’individu en général et de ses expériences, c’est plus une exploration symbolique du féminisme. Hayley n’aime pas s’exprimer en affirmant « voilà ce que je crois », le tout reste très énigmatique.

Il pourrait y avoir également un lien avec le nom du groupe et sa référence biblique ?

Samuel : Exactement. C’est tout à fait ça.

Comment se passe la création des chansons au sein du groupe ?

Samuel : On collabore, on part à chaque fois sur une petite idée de l’un d’entre nous, une mélodie ou quelques paroles de Hayley, puis on les travaille ensemble. Ça prend beaucoup de temps mais c’est une collaboration entre quatre personnes qui fonctionne bien.

THE JEZABELS - Interview - Paris, mardi 11 mars 2014Il n’y a pas de bassiste dans le groupe; ce n’est pas quelque chose que l’on remarque forcément en écoutant l’album. C’est intentionnel ou en avez-vous recherché un ?

Samuel : Personnellement en tant que guitariste j’aimerais beaucoup avoir un bassiste parce que c’est fun de jouer ensemble, mais Heather au piano inclue pas mal de sons graves. On s’est posé la question quand on a commencé. On a demandé à des ingénieurs du son et à nos amis et tout le monde nous a dit que ça sonnait bien comme ça. Donc on s’est dit ‘super, on n’en a pas besoin’. Aujourd’hui quand on joue en concert on a un synthé dédié aux pistes de basse pour booster l’ensemble. Notamment lorsque tu joues en festival, tu as besoin de cette part de basse, on a donc trouvé des solutions alternatives.

Le nouvel album s’appelle ‘The Brink’ (‘le bord’, ndlr), à quoi cela fait-il référence ?

Samuel : J’essaie de me mettre dans le cerveau de Hayley ici… Mais voici comment je vois ça : on a fait deux ans de tournées avant de se remettre à écrire ; 200 concerts tout autour du monde. On s’est posé juste quelques mois avant d’écrire, donc pour moi il y a un lien avec ce changement de style de vie, éviter de tomber fou… Je pense que ça représentait pour elle et pour nous l’idée de se demander ce qui est sur le point d’arriver, une forme d’anticipation. Ça peut être quelque chose de bon mais aussi tout à fait l’inverse, le fait que quelque chose soit en train de changer, sur le point d’arriver.

L’album a été enregistré à Londres avec Dan Grech-Marguerat. Pourquoi avez-vous décidé de vous installer là pour faire ce disque, et ne pas rester en Australie ?

Samuel : On voulait partir dans un endroit différent pour nous mettre au défi. Les compagnons de Hayley et Nik sont aussi à Londres, ce qui était déjà une bonne raison pour y aller afin qu’ils puissent passer du temps ensemble. Vu de l’Australie, Londres paraissait comme un choix naturel, on savait qu’on serait capables d’y travailler. On a bien émis certaines idées comme aller en Allemagne ou aux Etats-Unis, mais le choix de Londres s’est fait tout seul, on n’a même pas eu besoin d’en parler tellement. Je ne sais pas pourquoi, Londres est une ville où il est très difficile de vivre, tu n’a pas un temps comme ici (cette interview fut faîte lors d’une belle journée ensoleillée, ndlr).

Paris est plus petit en fait, Londres est une ville très étendue et surtout très chère, mais qui bénéficie d’une formidable culture musicale.

Samuel : Ça aussi c’était un challenge ! C’était bon de se retrouver au milieu de tout cela. La scène musicale australienne est également super, mais juste le fait d’aller de l’autre bout de la planète et d’y découvrir d’autres musiques extraordinaires en valait la peine.

Je suppose donc que l’écriture et la réalisation de cet album ont été assez différentes du précédent ?

Samuel : Oui, complètement. D’une certaine manière le processus a été le même, mais tout était différent à la fois, comme le fait d’être à Londres, d’avoir un nouveau producteur. Notre précédent producteur, Lachlan Mitchell, est toujours un ami proche, on se sentait très à l’aise auprès de lui. C’était plus effrayant à Londres, sans lui, avec juste notre label et nous, ça nous a mis plus de pression. Mais on a continué à faire les même choses que d’habitude, travaillé ensemble dans notre studio, enregistré des démos puis travaillé dessus. La différence résidait plus dans tout le reste, tout ce qui nous entourait. C’était donc très différent mais un peu similaire à la fois !

Le premier titre dévoilé avant la sortie de l’album s’intitule ‘The End’, pourtant c’est un nouveau départ pour le groupe, pourquoi avez-vous décidé de commencer par une telle affirmation ?

Samuel : Cette chanson est un défi en terme de paroles, je crois qu’Hayley y exprime des sentiments profonds. Mais ça ne dépend pas de nous, on ne choisit pas quel sera le premier single à sortir. Mais c’était la première chanson que nous avions terminée et le label nous nous a dit « c’est super, sortons-là ». C’est la plus accrocheuse donc ça a du sens.

‘The Brink’ semble mettre l’accent sur les claviers, vouliez-vous donner à ce disque un son plus ‘Pop’ ?

Samuel : Quand on a commencé à écrire à nouveau on n’avait rien de particulier en tête. Mais on a acheté un synthé et notre nouveau producteur, Dan, est plus Pop, donc tout s’est mis en place de cette manière. Mais les chansons ne sont pas nécessairement Pop, elles peuvent être sombres, mais elle ont été assemblées d’une façon plus Pop parce que le son de l’album est clair et concis. Evidemment je l’adore, car il y a pas mal de sons qui peuvent être plus bizarres, c’est un bon mélange en définitive.

En parlant de noirceur, j’ai le sentiment que vous vouliez donner une atmosphère plus optimiste à cet album.

Samuel : Oui, on nous l’a mentionné plusieurs fois. Il faut dire que nous avions été si fatigués par le tournée, et que nous avions plus de pression à Londres qu’en Australie. Je pense que c’est parce que nous étions dans un état d’esprit plus négatif que cet album est plus joyeux. Je crois que ce sont les gens tristes qui font des chansons joyeuses !… Et les gens heureux font des chansons tristes ! C’est certainement vrai pour nous. On a vraiment combattu, on est passé par l’angoisse de la page blanche. Donc dans ces cas-là tu charges ta musique d’optimisme parce que ça te fait sentir mieux, c’est ce qu’on a fait.

Il y a d’ailleurs beaucoup de romance dans les thèmes et les paroles des chansons, ce disque est-il caractérisé par une trame lyrique?

Samuel : Il y en a toujours une. Le titre ‘The Brink’ (le bord, ndlr) résume très bien cela. C’est comme si tu avais quelqu’un qui traverse une période difficile, que ce soit Hayley ou un autre membre du groupe, je ne sais pas qui sont ses personnages dans ses paroles. Ses paroles explorent cette période de changement, ce qui est arrivé, ce qui l’a aidée, quels étaient ses sentiments, peut-être le fait de vieillir aussi. Toutes ces choses qui caractérisent le changement, négatif ou positif. C’est un concept assez large.

Et le dessin de la pochette, à quoi fait-il référence?

Samuel : La pochette a été dessinée par Jarek Puczel, il est Polonais. Oui ce dessin fonctionne parfaitement. En fait nous avons utilisé huit ou neuf de ses oeuvres pour l’artwork, le livret, etc. C’est un peu ambigu et ça convient bien au concept de The Brink, parce qu’il y a beaucoup de choses comme par exemple l’image de quelqu’un en train d’écrire une lettre, ça pourrait être Hayley qui écrit des paroles. Et puis il y a ces deux visages sur la pochettes qui se font face, on ne sait pas s’ils sont sur le point de se quitter ou de se retrouver. C’est ça qui nous a plu. Et c’est chaleureux en plus.

Es-tu d’accord si je te dis que je trouve la construction des morceaux plus simple que sur ‘Prisoner’ ?

THE JEZABELS - Interview - Paris, mardi 11 mars 2014Samuel : Oui, sans aucun doute. Et c’est bien de s’en rendre compte. Les gens font d’ailleurs le lien entre faire les choses plus simples et ce côté plus Pop. Ils sont probablement un peu surpris. Mais notre producteur, Dan, n’aimait pas les choses compliquées, il était plutôt du genre à nous dire « enlève cette partie-là ! ».

C’est le parfait opposé du titre d’ouverture de ‘Prisoner’, très complexe, qu’il faut écouter plusieurs fois avant de comprendre sa construction, où est son refrain…

Samuel : Exactement. Maintenant c’est très simple. On a juste voulu essayer quelque chose de différent, tout en continuant à se faire plaisir. Je dirais que ‘Prisoner’ et ‘The Brink’ sont les mêmes, mais leurs matières premières sont différentes, la structure est plus simple.

Ces nouvelles chansons sont probablement plus adaptées à la scène ?

Samuel : Exactement, on a trouvé ça tellement plus facile de les jouer en concert. Parce qu’avec certains morceaux de ‘Prisoner’ on se disait, « Oh, mon dieu, je ne peux pas jouer ça en live ! ». Donc c’est un soulagement, et c’était intentionnel de notre part de faire les choses simples afin de pouvoir les jouer. Il y a certaines chansons de ‘Prisoner’ qu’on ne peut pas jouer – enfin si, on peut en fait, mais ça ne rend pas bien.

Vous avez récemment tourné avec Depeche Mode, comment était-ce ? Qu’avez-vous appris au contact d’un aussi gros groupe ?

Samuel : C’était incroyable ! On devait jouer ici d’ailleurs mais ça ne s’est pas fait, donc on a juste joué avec eux au Royaume-Uni et en Irlande. Ils sont si célèbres et vraiment très cool à la fois. C’est le groupe parfait, ils sont énormes mais très respectés en même temps. Et ils sont toujours très bons! Ils vieillissent mais sur scène ils sont incroyables. Mais je pense que ce qu’on a le plus aimé c’est juste le fait qu’ils soient très sympas, ils nous ont traités comme des être humains!

Vous avez commencé votre tournée à travers l’Europe, quelle a été la réaction du public jusqu’ici?

Samuel : Vraiment très bonne. Beaucoup de concerts complets. Depuis qu’on a commencé à jouer en dehors d’Australie on sent que les choses ont constamment évolué, notamment le fait d’avoir plus de fans. Juste le fait d’être Australien et pouvoir jouer en concert à Paris c’est super! Peu de groupes ont l’opportunité de pouvoir faire ça, on a de la chance.

En dehors des grosses tournées avec Depeche Mode ou les Pixies, préférez-vous jouer dans de petites salles mais comme groupe principal?

Samuel : Oui, mais c’est très différent. C’est très relaxant de faire les premières parties de tels groupes parce que n’as qu’à jouer, tu fais ton truc. Mais quand tu es en tête d’affiche tu n’as pas le droit à l’erreur. Mais tout a de bons et de mauvais côtés.

Vous avez gagné un prix aux Victoires de la musique australiennes, avez reçu plusieurs nominations, est-ce que tout cela a mis plus de pression sur vos épaules? Est-ce que ça fait une différence en fin de compte?

Samuel : On a toujours envie de bien vouloir faire les choses. C’est dur de plaire à tout le monde, tu peux faire des choses que certains adoreront et d’autres pas du tout. Du coup tu en arrives à un point où tu te dis qu’il ne faut plus penser à tout ça. Je ne m’attendais pas à ce que l’on gagne cette récompense qui est prestigieuse en Australie. Ca nous a impressionnés, on a trouvé ça vraiment cool parce qu’on voulait faire un disque qui soit populaire, et d’avoir une récompense et une reconnaissance critique pour un disque de la sorte c’est vraiment quelque chose de formidable. Et ça a aussi fâché beaucoup de monde en Australie, notamment la presse alternative. Mais pour moi la musique telle que je l’aime ne doit pas être trop cérébrale mais d’un haut niveau de qualité.

Propos recueillis à Paris, le mardi 11 mars 2014.

Un grand merci aux Jezabels, Samuel Lockwood, Selma Chachia pour avoir rendue cette interview possible ainsi que tout l’équipe de Pias France.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de ‘The Brink’

Galerie photos du oncert à la Maroquinerie, Paris, le mardi 11 mars 2014

Lire la chronique de ‘Prisoner’ (2012)

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