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WOLF ALICE – Interview – Paris, vendredi 27 octobre 2017

WOLF ALICE - Interview - Paris, vendredi 27 octobre 2017Après un premier album qui les avait d’emblée placés parmi les nouveaux groupes Rock incontournables au Royaume-Uni, Wolf Alice nous entraîne aujourd’hui avec « Visions of a Life » dans un grand huit musical qui ne vous laissera pas indemnes. Et pour la première fois ils se produisaient fin octobre en tête d’affiche d’un concert parisien, dans une salle de la Maroquinerie bondée. L’occasion idéale pour retrouver ce groupe qui nous avions déjà interviewé il y a deux ans et parler avec la chanteuse Ellie Roswell et le bassiste Theo Ellis de tout ce chemin parcouru, et surtout de leur excellent nouvel album !

Avant même de commencer l’écoute, l’expérience de « Visions of a Life » commence par cette image d’une jeune fille dansant dans un jardin, pouvez-vous me l’expliquer ?

Ellie : C’est une photo de ma tante quand elle était jeune dans le jardin de la maison de famille. Je n’en sais pas beaucoup plus sur cette photo mais je l’ai aimée tout de suite. Nous avions déjà à ce moment-là l’idée du titre « Visions of a Life » pour l’album et cette image semblait y correspondre parfaitement, parce qu’il y a une sorte de mise en scène créée par cette enfant. Elle danse en robe autour d’un crâne d’animal, on n’y trouve pas forcément de réponse mais ma tante est effectivement devenue danseuse, elle avait donc déjà une certaine ‘vision de sa vie’. C’est une belle image et elle est assez effrayante en même temps, elle a un côté sombre.

Vous avez eu beaucoup de succès avec votre premier album, tourné longtemps, vous avez reçu plusieurs récompenses; comment vous êtes-vous sentis lorsque tout cela a pris fin et que vous avez dû commencer à travailler sur de nouveaux morceaux ?

Theo : Je crois que c’est assez difficile de se réadapter, parce que nous avons été en tournée pendant si longtemps et ta vie change, ainsi que celle de ta famille et de tes amis. Il faut de nouveau s’ajuster à cette routine, ce qui demande beaucoup d’efforts parce que c’est assez étrange. Fort heureusement nous avions déjà pas mal d’idées que nous avions déjà mises de côté, et aussi un local de répétition où nous allions comme au bureau en semaine pour travailler. Bénéficier de tout cela nous a aidé à nous réadapter plus rapidement.

Ce nouvel album a été produit par Justin Meldal-Johnsen et mixé par Tom Elmhirst, comment s’est passé l’enregistrement ?

Ellie : En fait nous n’avons pas rencontré Tom Elmhirst en personne, nous lui avons juste envoyé un premier mix des morceaux qu’il nous a renvoyés. C’était vraiment facile de travailler avec lui parce qu’il avait sa propre vision de la façon dont nos chansons pourraient sonner qui nous a impressionnés. Et Justin était super, comme le cinquième membre du groupe, plutôt que la personne qui nous aurait dit ce que nous devions faire. C’était une vraie collaboration, il faisait en sorte de nous diriger dans la bonne direction. Et nous avons également travaillé avec un ingénieur qui s’appelle Carlos De La Garza chez lui, il a été super lui aussi. Bref, un excellent environnement pour enregistrer : un beau studio à Los Angeles, et de bonnes personnes !

WOLF ALICE - Interview - Paris, vendredi 27 octobre 2017Justement, j’aime beaucoup la production de cet album, non que pas celle du premier était mauvaise, mais elle ne laissait pas autant les chansons respirer. Elles sonnent plus libérées sur cet album, avez-vous ce sentiment ?

Theo : Oui, l’une des choses que nous ne voulions pas sur cet album, c’était d’être freinés par la production ou certaines idées. Nous avions le sentiment d’avoir un plafond de verre sur le premier album, ce qui est partiellement dû au fait que c’est la première fois que tu essaies de faire les choses. Je pense qu’avec la confiance acquise avec l’expérience et les tournées nous étions vraiment ouverts pour essayer de nouvelles choses.

Vous êtes d’abord revenus avec une chanson intitulée « Yuk Foo » qui sonne comme un gros… » Yuk Foo » ! Pourquoi toute cette colère, d’où vient-elle ?

Ellie : Je ne sais pas. Tout le monde a des raisons d’être furieux ou frustré. Ce n’est pas parce que je suis une personne en colère ou quoique ce soit de ce genre-là. C’est un sentiment que nous avons tous !

Le premier album était varié et celui-ci l’est probablement encore plus. Il y a notamment le titre « Don’t Delete The Kisses » qui explore un terrain légèrement plus électronique, pouvez-vous m’en parler un peu plus ?

Ellie : Ce fut assez difficile d’enregistrer cette chanson, nous ne savions même pas à quel point nous voulions qu’elle soit électronique. Nous avons essayé de lui mettre plus de guitares mais ça ne marchait pas, puis nous l’avons emmenée un peu trop loin vers la Pop mais ça n’allait pas non plus. Ce fut certainement l’une des plus difficiles à enregistrer mais nous avons finalement réussi à trouver un juste milieu. Nous voulions que ce soit une chanson assez cinématographique, c’était ce que nous voulions accomplir. Fort heureusement Justin est un vrai geek quand il s’agit de synthés, parce que ce n’est pas vraiment notre domaine d’expertise, peut-être à part Joel un peu. C’était vraiment un titre expérimental.

Et sur le clip de « Beautifully Unconventional » vous êtes habillés dans un style 60’s – plutôt conventionnel à l’époque – que vouliez-vous faire passer à travers cette chanson et sa vidéo ?

Theo : Nous voulions faire quelque chose qui se marie bien avec l’atmosphère de la chanson, mais surtout… Nous aimons vraiment bien nous déguiser !

Ellie : Oui nous n’avions pas vraiment de message à faire passer mais voulions profiter de l’occasion pour mettre des tenues 60’s !

L’album traverse également des moments plus sombres, sur des titres comme « Sky Musings », le genre de titre tourmenté qui aurait pu être écrit par Thom Yorke. Est-ce un souvenir de tournée ?

Ellie : C’est plus une narration hyperbolique. Les émotions des gens sont souvent plus exacerbées lorsqu’ils sont sur des vols assez longs parce que c’est l’un des rares moments où tu as l’occasion de ne vraiment rien faire et de te retrouver seul avec tes pensées. On en joue sur ce titre, sans que ce soit une blague le texte est volontairement exagéré. Les paroles sont à la fois sérieuses et auto-dérisoires.

Le disque entier est-il en fait lui-même une succession de hauts et de bas ?

Ellie : Oui, je pense, car son sujet, c’est la vie.

Est-il un reflet de là où vous vous trouvez à ce stade de votre carrière ?

Theo : Il en reflète probablement certains aspects mais aussi ce qui s’est passé entre « My Love Is Cool » et cet album.

Ellie, l’une des grandes qualités de ce disque repose dans la variété de ton chant. Nous parlions de « Sky Musings » où tu murmures, les cris de « Yuk Foo », il y a aussi « After The Zero Hour » – j’adore celle-ci, elle a un côté Folk féérique, presque médiéval. T’es-tu rendue compte à un moment donné de toutes les possibilités que ta voix pouvait t’offrir ?

Ellie : Oui, je pense qu’il n’y a aucun mal à adapter ta voix aux personnages que tu joues, tant que tu ne t’éloignes pas trop de toi-même. J’ai toujours aimé jouer la comédie, mais auparavant j’étais incapable de jouer un autre personnage à part moi-même. Je pouvais jouer « Ellie triste », « Ellie en colère », « Ellie heureuse » mais personne d’autre. Je ne veux pas non plus chanter avec une voix qui me serait complètement étrangère, je veux canaliser toutes ces émotions.

Votre premier album était entré dans les charts à la deuxième place au Royaume-Uni, et celui-ci… pareil ! Etiez-vous aussi excités que la première fois ou y avait-il une légère pointe de déception, même si je suis conscient que ce n’est pas nécessairement ce que vous recherchez.

Theo : C’est incroyable tout ce que nous sommes parvenus à faire donc il n’y a pas de déception.

Ellie : Peut-être aurais-je été légèrement déçue si nous n’avions pas été dans le Top 10 parce que ça fait toujours plaisir. Mais les charts ont bien changé aujourd’hui, ils n’ont plus autant d’importance, de toute façon plus personne n’achète de disques, et ce ne sont pas les ventes qui reflètent la qualité de la musique. La seule déception c’était peut-être de se dire que nous aurions eu encore plus de raisons de faire la fête ! Mais c’est déjà dingue de se retrouver dans le Top 10 et je crois qu’il faut se souvenir de ça.

Avant et pendant votre premier album vous avez été un peu trop rapidement catalogués comme un groupe plutôt Grunge. Pensez-vous avoir réussi à changer les opinions sur ce que vous faites et votre identité en tant que groupe ?

Theo : Je pense que cet album a un peu changé tout ça, oui. Comme nous sommes un peu plus vieux notre public nous prend un peu plus au sérieux, je ne sais pas trop pourquoi. Mais cette étiquette Grunge, qui nous a suivi…

Ellie (prend le relais) : … venait de ceux qui n’avaient pas écouté l’album, qui tapaient notre nom dans Google et lisaient rapidement notre biographie!

Theo : C’est ce qui arrive dès que tu as des guitares, des pédales et que joues des morceaux avec parfois seulement trois accords !

Vous jouez ce soir votre premier concert en tête d’affiche à Paris, deux ans après les événements tragiques du Bataclan. Vous étiez à la Cigale ce soir-là. Comment cela vous a-t-il affectés à l’époque ? Cela vous a-t-il fait réfléchir sur votre rôle et ce que vous vouliez faire en tant que groupe ?

Theo : Je ne pense pas que ce fut un catalyseur pour nous sur la façon dont nous voulions être en tant que groupe, mais ça met en revanche l’accent sur certaines choses telles que la sécurité lors des sorties et des concerts. C’était horrible, une énorme tragédie, et forcément tu y penses beaucoup plus lorsque tu tournes. Mais c’est important de ne pas s’arrêter à cause de ce genre de choses.

WOLF ALICE - Interview - Paris, vendredi 27 octobre 2017D’un certaine manière cette date parisienne à la Maroquinerie, c’est aussi une bonne façon de célébrer la musique et la vie avec vos fans ?

Theo : Oui, exactement. Et à l’époque nous étions en train de terminer notre tournée et je suis vraiment fier que nous soyons parvenus à arriver jusqu’au bout après ce qui venait de se passer parce que c’est primordial de continuer à faire ce que tu aimes.

En écoutant votre album, on y retrouve une forme de liberté, un peu comme dans les disques de la fin des années 60 ou des années 70, le même côté sauvage, la même poésie, tout semble possible, était-ce d’une certaine façon ce que vous vouliez accomplir ?

Ellie : Je ne sais pas ce que nous voulions accomplir, mais nous avons beaucoup de chance d’avoir un label qui nous a laissé une grande liberté artistique pour faire ce que nous voulions et ne pas se sentir limités aux contraintes d’un genre. Nous étions facilement inspirés par un tas de choses. J’écoutais Queens of the Stone Age et je me disais « Je veux être dans ce groupe », puis j’écoutais… Snakehips ! Et je me disais la même chose. Tu écris quelque chose inspiré par tel ou tel genre, et tu ne vas pas t’en débarrasser juste parce que ça ne convient pas avec la chanson qui suit. Il n’y a pas de règles. Parfois je me dis que c’est finalement peut-être plus une mixtape qu’un album en ce sens. Si tu respectes trop les règles, alors tu auras plus de choses à regretter. Il faut faire ce qui te plaît et avec un peu de chance les autres aimeront aussi.

Au final, pensez-vous qu’aujourd’hui Wolf Alice a réalisé vos « visions de la vie » ?

Theo : Le groupe en a réalisé certains aspects, c’est sûr, comme jouer des concerts de plus en plus grands, dont celui-ci à Paris qui est complet. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire ! Avoir un bébé… Il faut que je quitte la maison de ma mère aussi !

Ellie (rires) : dans cet ordre-là !

Theo : Oui, dans cet ordre ! En tout cas il y a plein d’autres choses à accomplir dans nos vies personnelles en dehors de la musique également, mais je pense que notre « Wolf Alice visions of a life » est sur une bonne voie, visionnaire, bien que je ne pense pas que nous soyons des visionnaires pour autant !

Propos recueillis à Paris le vendredi 27 octobre 2017.

Un grand merci à Wolf Alice, à Emma Edgar ainsi qu’à Florian Leroy pour avoir rendu cette interview possible.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de « Visions of a Life » (2017)

La Maroquinerie, Paris, vendredi 27 octobre 2017 : galerie photos

Lire l’interview de Wolf Alice, le 13/11/2015
Lire la chronique de « My Love Is Cool » (2015)
Galerie photos du concert au festival des Inrocks, la Cigale, Paris, vendredi 13 novembre 2015

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