Vous êtes ici
Accueil > Interviews > AUSTRA – Interview – Paris – mercredi 12 juin 2013

AUSTRA – Interview – Paris – mercredi 12 juin 2013

‘Feel It break’ fut l’une des grandes révélations de l’année 2011. Porté par le chant haut perché de Katie Stelmanis, Austra, le groupe de Toronto, semblait avoir trouvé sa propre voie dans le domaine de la musique électronique, bercé par un certain mystère et une bonne part de lyrisme. Aujourd’hui le groupe sort litéralement de l’ombre puisqu’il revient avec ‘Olympia’, un nouvel album bien plus orienté vers la lumière, au sujet duquel Katie Stelmanis nous dit tout…

AUSTRA - Interview - Paris - mercredi 12 juin 2013

Il semble que ta façon d’écrire et de composer ait évolué depuis ‘Feel It Break’, peux-tu m’en parler ?

Katie Stelmanis : Oui, avant je faisais à peu près tout toute seule. Mais pour cet album j’ai préparé des démos très simples que j’ai soumises au groupe très tôt, et nous les avons développées tous ensemble. Donc ç’a été une collaboration.

Justement, ceci étant votre album le plus ‘collaboratif’, n’avais-tu pas des inquiétudes quant à la façon dont les chansons allaient évoluer, qu’elles partent dans une direction totalement différente?

Katie Stelmanis : Non, ça ne m’inquiétait pas vraiment. Ce n’est pas comme si j’avais travaillé avec des musiciens que je n’avais jamais rencontré auparavant. Maya et moi avons joué ensemble depuis 10 ans dans d’autres groupes, donc ça avait vraiment du sens que nous écrivions ensemble, et je pense que nous sommes sur la même longueur d’ondes, donc nous sommes capables de le faire. Et je crois que je voulais dans ma musique quelque chose que je n’avais pas été capable d’accomplir jusque-là. Maya a un sens du rythme beaucoup plus développé, donc elle a pu apporter tout un aspect rythmique à la musique qui n’était pas là auparavant.

Il y a des choses dont tu n’étais pas satisfaite sur ‘Feel It break’ que tu voulais changer?

Katie Stelmanis : Oui, la chose avec laquelle nous n’étions pas satisfaits était principalement la production. On avait fait l’album à la maison, sur nos ordinateurs, ce qui convenait bien à ce moment-là, mais on a voulu faire les choses différemment et enregistrer un album « pour de vrai » cette fois-ci. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas l’écrire sur mon ordinateur, parce que je voulais qu’il soit écrit et arrangé avec de vrais instruments. On est allé en studio et on a tout joué, on a improvisé sur les différents morceaux, expérimenté, et on s’est fait plaisir!

AUSTRA - Interview - Paris, mercredi 12 juin 2013En parlant de vrais instruments, vous avez enregistré l’album dans des conditions live, c’était quelque chose d’important pour vous?

Katie Stelmanis : Oui, c’est quelque chose que je voulais vraiment faire. Ca avait du sens, surtout comme je le disais comme Maya, Dorian et moi faisons de la musique depuis si longtemps. Sur cet album on a voulu travailler cette partie, parce que nous avons été musiciens toute notre vie sans effectivement jouer de la musique. Tout était fait sur ordinateur. Donc là on s’est dit « OK, on sait comment jouer des instruments, alors faisons-le! ».

Tu me parlais de Maya et de son sens du rythme, est-ce que tout cela a joué un rôle important dans la production de l’album?

Katie Stelmanis : Oui, sans aucun doute un rôle immense. Maya a beaucoup contribué au son de cet album.

Vous vous connaissez depuis longtemps, avant vous aviez un groupe qui s’appelait ‘Galaxy’, c’était différent?

Katie Stelmanis : Totalement! Galaxy était plutôt un groupe de Post Rock. Il avait été créé par Emma (McKenna, ndlr) qui fait notre première partie ce soir. Elle vient de Toronto. Elle nous a trouvées, Maya et moi, et a formé ce groupe. On est toutes les deux arrivées complètement à l’improviste, sorties de notre univers classique, on ne connaissait rien au genre de musique qu’on allait jouer. Mais ce fut un point de départ important d’être dans ce groupe, ça a ouvert la porte à toutes les activités créatives que l’on allait avoir par la suite dans le domaine musical.

Ce nouvel album a été décrit comme étant plus ‘confessionnel’. En plus de la façon d’écrire, y-a-t-il eu une évolution dans l’importance que tu accordes aux paroles?

Katie Stelmanis : Oui, avant cet album les paroles n’ont jamais été importantes pour moi. Je pensais pouvoir faire passer tout ce que je voulais émotivement par le chant, sans me soucier des mots. Mais avec ce disque je voulais vraiment chanter quelque chose qui ait du sens, que les gens soient capables de s’identifier aux paroles, et je voulais que ces paroles traitent de choses réelles. Une grande partie de cela est venue de la façon dont nous avons fait nos concerts pendant ces dernières années, je crois que je suis une chanteuse qui veut raconter des histoires à son public, et pas juste « crier » des choses au hasard! Donc j’ai travaillé avec Sari, qui est l’une des choristes du groupe, sur une grande partie de l’écriture, parce que je pense qu’elle a bien plus l’âme d’une poète que moi. Nous avons modelé ces chansons ensemble.

Et y-a-t-il un thème en particulier à travers les chansons d’Olympia?

Katie Stelmanis : Je ne pense pas qu’il n’y en ait qu’un seul. Il y a beaucoup de chansons dédiées à des personnes bien précises; en d’autres termes il y a beaucoup de gens à qui j’avais quelque chose à dire depuis quelques années! A part cela quelques chansons évoquent le fait de vieillir et de voir si le boulot que l’on a est celui que l’on avait imaginé 10 ans plus tôt. Nous avions tous la vingtaine et nous étions tous artistes et musiciens; ça n’avait pas d’importance de ne pas avoir d’argent, mais en vieillissant ça a commencé à en avoir. C’est en quelque sorte une évaluation de là où nous en sommes et de notre place dans notre communauté.

A l’inverse du premier album, la pochette d’Olympia est très colorée, pleine de lumière. Voulais-tu exprimer à travers cela quelque chose en particulier, comme un changement d’humeur ?

Katie Stelmanis : Oui, absolument. Je pense que le premier album comprenait des éléments plutôt gothiques, et l’artwork reflétait bien cela. Mon amie Kate Young avait pris la photo et c’est une vraie gothique, je la connais depuis l’âge de 12 ans et elle a toujours été comme ça. C’est elle qui me parlait de Nine Inch Nails et de musique industrielle. Donc elle a fait la pochette et je pense qu’on a tout de suite été catalogué comme un groupe gothique. Et bien que je sois particulièrement attirée par des musiques sombres, je ne pense que cela ne représente pas entièrement qui nous sommes. Donc on a voulu faire quelque chose de complètement différent, pour contraster avec ça.

Est-ce que le titre de l’album fait référence à quelque chose en particulier ? ‘Olympia’ comme la demeure des dieux, la salle de concert à Paris ?…

Katie Stelmanis : Pendant l’enregistrement une bonne amie à nous a eu un bébé. Nous avions suivi sa grossesse de très près. Le bébé est né à ce moment-là et ils l’ont appelé ‘Olympia’, donc c’était une belle façon de célébrer l’arrivée de cette nouvelle vie et d’un nouvel album.

AUSTRA - Interview - Paris, mercredi 12 juin 2013J’ai lu dans la presse que tu avais dédié le single ‘Painful Like’ à tous les gays qui grandissent dans une petite ville. Essaies-tu d’avoir une position politique sur le sujet, ou est-ce plus lié au fait que l’album traite de sujets personnels ?

Katie Stelmanis : Je crois que c’est un peu des deux. Je pense que c’était important d’en parler parce que ç’a été au centre de l’actualité récemment – particulièrement en France. Je ne me vois pas vraiment comme une activiste politique, j’agis plus avec l’idée d’un activisme culturel, de parler de ces problèmes à travers la musique afin que les gens en soient conscients, au lieu de faire quelque chose de vraiment politique, parce que je ne fais pas ça.

Parlons aussi de vos concerts. Ils sont plein de vie, tout le monde danse sur scène et communique cette envie au public. Etait-ce quelque chose de préparé depuis longtemps, ou est-ce venu naturellement ?

Katie Stelmanis : C’est arrivé naturellement, et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles ‘Olympia’ est un disque si différent, parce que nos concerts sont devenus très différents de ce que l’on pouvait entendre sur notre album. ‘Feel It break’ est sombre et austère mais en concert ça tourne à la grande célébration dansante. On voulait insuffler cette énergie au nouvel album.

Qu’as-tu appris de ces deux années de tournée presque sans interruption ?

Katie Stelmanis : Beaucoup de choses ! J’ai sans aucun doute appris à être une meilleure chanteuse. Je me sens bien plus à l’aise sur scène aujourd’hui qu’il y a deux ans. J’ai appris à me détendre quand c’est nécessaire parce que je pense qu’au début je supportais une charge de travail trop lourde et je passais essentiellement mon temps à gérer le groupe. C’était trop stressant, ça aurait pu me rendre folle ! J’ai donc appris à me laisser un peu d’espace, et maintenant en tournée on apprend tous à maintenir ensemble un bon mental, plein de positivité.

Vous avez tourné avec The Gossip, comment était-ce ?

Katie Stelmanis : Incroyable ! J’adore The Gossip ! C’était très inspirant de tourner avec eux, particulièrement parce que ça fait peut-être bien 10 ans que je suis une très grande fan de The Gossip. J’allais les voir jouer à Toronto , devant 40 ou 50 personnes, et c’était déjà les mêmes concerts que maintenant. Beth Ditto se mettait toute nue, courant à travers la scène et dans le public. J’avais alors 18 ans, et elle fait exactement la même chose maintenant ! On a joué avec eux devant 10 000 personnes à Berlin et Beth est descendue de la scène dans le public pour chanter avec eux ‘We Are The Champions’ de Queen ! Elle n’a pas peur, qu’il y ait 10 ou 10 000 personnes.

De quelle manière te sert aujourd’hui ta formation classique ? Etait-ce difficile de passer d’un univers classique à celui de la Pop ?

Katie Stelmanis : Oui c’était difficile au début, mais ça fait tellement longtemps maintenant que j’ai arrêté le classique que ce n’est plus une si grosse influence pour moi. Quand j’ai commencé à écrire ma principale inspiration c’était les opéras de Puccini, mais maintenant je m’en éloigne autant que possible. Tout ce que je faisais alors était exagéré et mélodramatique alors que maintenant je travaille beaucoup sur la retenue. C’est certainement quelque chose que je n’ai pas appris au cours de mes études de musique classique !

Avec ce que vous avez accompli jusqu’ici, tout comme d’autres artistes à l’image de Zola Jesus ou Fever Ray, penses-tu avoir participé à la démocratisation d’une musique électronique exigeante mais accessible et mélodique, à l’inverse de quelque chose de trop froid et expérimental ?

Katie Stelmanis : Je ne crois pas tellement… Je ne sais pas vraiment ce qu’il en est ici, mais ce qui est effrayant en Amérique c’est que des gens comme Skrillex ou David Guetta cartonnent et tout le monde croit que c’est ça la musique électronique. L’Electro est bien plus présente aujourd’hui en Amérique qu’elle ne l’a jamais été auparavant, mais je ne pense pas que l’on ait joué un rôle dans tout cela. Le genre de musique électronique que je fais existe depuis longtemps.

En revenant sur tout le côté ‘humain’ du groupe lié à la scène, aux instruments, penses-tu qu’il serait juste de dire qu’Austra est la version électronique d’un groupe Indie Rock ?

Katie Stelmanis : Peut-être, mais je n’en suis pas certaine. Nous sommes sans aucun doute un groupe « Indie Electro », mais un groupe « Indie Rock » a beaucoup de connotations différentes. D’une certaine manière on pourrait être l’antithèse d’un groupe Indie Rock. Il y a beaucoup de Rock Indé plutôt ennuyeux et « asexué » en général, à mon avis, et de nombreuses façons je trouve que la musique électronique est exactement l’opposé de tout cela. Alors je ne parle pas de tout l’Indie Rock, mais de l’Indie Rock « de masse » que je perçois ainsi.

Propos recueillis à Paris le mercredi 12 juin 2013.

Un grand merci à Katie Stelmanis, Austra, Jennifer Gunther pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Domino Records France. Crédits photos : Norman Wong.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique d’Olympia (2013)

Galerie photos du concert au Nouveau Casino, Paris, le 12 juin 2013

Lire la chronique de ‘Feel It break’ (2011)

Galerie photos du concert à la Maroquinerie, Paris , le15 décembre 2011

http://www.austramusic.com/
http://www.facebook.com/austraofficial
http://twitter.com/austratalks

Laisser un commentaire

Top