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PHILDEL – Interview – Paris, vendredi 18 octobre 2013

Ce fut l’une des belles découvertes de l’année 2013. C’est à travers quelques vidéos inspirées que nous avons fait la connaissance de Phildel, une artiste attirée par le monde de l’imaginaire qui a connu un long et difficile parcours avant de sortir son premier album ‘The Disappearance Of The Girl’. A l’occasion de son passage à Paris dans le cadre du Mama Event le mois dernier, elle nous a raconté toute cette longue histoire, ainsi que sa vision d’artiste qui ne manque ni d’imagination, ni d’assurance.

PHILDEL - Interview - Paris, vendredi 18 octobre 2013

Peux-tu me parler un peu de toi et de tes origines, d’où tu viens, comment tu as commencé à faire de la musique ?

Phildel : C’est un peu une longue histoire ! Je m’appelle Phildel, je suis mi- Irlandaise, mi- Chinoise. Je suis née et j’ai grandi à Londres. J’ai passé une longue partie de mon enfance sans musique parce que ma mère s’était remariée avec un homme très religieux qui pensait que la musique c’était le mal. Donc je me suis enfuie de la maison à l’âge de 17 ans, et j’ai ensuite commencé à jouer de la musique en permanence, à composer des airs sur mon piano chez moi. C’est ainsi que tout a commencé.

Comme la musique était auparavant interdite chez toi, y avait-il des endroits à l’extérieur où tu pouvais l’apprendre et la pratiquer ?

Phildel : Il y avait un endroit, c’était à l’école, sur leur piano, j’y allais pendant les déjeuners. C’est là que j’ai vraiment commencé à créer, à composer de la musique.

Et le fait que la musique soit bannie de ta maison t’a motivé pour devenir musicienne ?

Phildel : Je ne sais pas, je ne crois pas. Je pense simplement qu’il n’y a pas de meilleur moyen pour moi de communiquer que la musique. Il s’agit plus de communication que de musique.

J’imagine que tu as eu beaucoup de choses à rattraper. La musique a-t-elle joué un rôle thérapeutique pour toi une fois qu’elle t’es redevenue disponible?

Phildel : Oh ! C’était si difficile de tout rattraper. Ça m’a pris environ 10 ans pour me remettre à jour, notamment en ce qui concerne le jeu, la compréhension et plus particulièrement des choses comme la production. C’était vraiment dur. Il y avait beaucoup de choses que je ne savais pas. D’une part ma capacité à faire de la musique, mais aussi le monde de la musique en général, les CDs, les albums. Je n’en connaissais quasiment aucun. C’était vraiment vide dans ma tête !

Il a fallu que tu te construises une culture musicale.

PHILDEL - Interview - Paris, vendredi 18 octobre 2013Phildel : Oui ! Mais dans mon imagination j’ai le sentiment que tout est là, comme une autre monde. Et tu peux construire ta culture musicale avec ton imagination, c’est ce que j’ai fait.

T’es-tu rendue compte à ce moment-là que tu voulais faire une carrière musicale, o cela est-il venu peu à peu ?

Phildel : C’est venu peu à peu. Au début je me disais que c’était impossible. Quelques-uns de mes amis à l’école étudiaient la musique, répétaient tout le temps à la maison et il y avait des musiciens dans leur famille, et je me disais qu’il n’y avait vraiment pas moyen que je puisse faire une carrière musicale. Mais après avoir commencé à composer un peu toute seule, ma musique a été assez rapidement entendue par d’autres personnes puis utilisée pour des campagnes de publicité. Ici en France pour la pub Generali, avec Zidane, il y a un air de piano, il est de moi. C’était la première fois que l’on utilisait ma musique et que l’on me payait aussi ! Comme on me payait pour quelque chose je me suis dit que peut-être pourrais-je faire une carrière.

Et Phildel, c’est un pseudonyme ?

Phildel : Non, c’est mon vrai nom ! Phildel Ng. En fait mon père s’appelle Philip et ma mère Della. Ils ont donc pris la moitié de chaque nom et ils les ont mis ensemble pour créer Phildel.

Parlons de l’album ‘The Disappearance Of The Girl’. Y-a-t-il une signification derrière ce titre?

Phildel : Sans aucun doute. Il y a trois types de disparitions (« disappearance », ndlr) qui me sont arrivées dans ma vie. La première, c’est lorsque j’ai disparu de la société ‘normale’ dans un monde de silence, parce que jusqu’à l’âge de huit ans j’avais une vie normale, puis mes parents ont divorcé et ma mère a épousé cet homme religieux. J’avais donc l’impression d’avoir disparu de la vie normale dans ce monde étrange, sans musique, ni art, ni quoi que ce soit. Pour faire face à ça, je disparaissais alors au fond de ma propre imagination, c’est le second point. Et finalement je me suis enfuie de la maison, c’est « The disappearance of the girl ». Donc ça fait beaucoup de disparitions ! J’aurai dû être magicienne !

Et ça t’a pris du temps pour écrire et enregistrer ce disque ?

Phildel : Oui, beaucoup de temps. Je dirais probablement 8 ans environ. Mais je pense que quand tu composes, souvent les chansons ne sont pas terminées et entretemps tu grandis et tu te développes en tant que personne. J’ai commencé beaucoup de ces chansons à l’âge de 21 ans, mais je ne les ai pas terminées avant d’en avoir 27 ! Parce que je n’y parvenais pas, je ne savais pas ce qui viendrait ensuite. Mais avec le temps j’ai eu une bien meilleure compréhension de mes compositions. Je me disais ‘oh oui, voilà de quoi cette chanson parle vraiment’. Je pense que ça leur a permis d’être beaucoup plus équilibrées.

Il y a beaucoup d’imagerie autour de ta musique. Qu’est-ce qui t’inspires ?

Phildel : Le monde qui est dans ma tête, celui de mon imagination. Par exemple des personnages tels que le loup et le Banshee (ndlr : le banshee est une personne mythologique de l’Irlande celtique, il n’y a apparemment pas de traduction française pour ce mot). Appartiennent vraiment à ce monde imaginaire. Pour moi les chœurs représentent toujours les esprits. Différents instruments représentent des choses et des gens différents, toujours dans ce monde imaginaire. Le vibraphone et le marimba représentent l’océan et les chœurs les esprits.

Il y a une vidéo pour chaque chanson de l’album, quelle était ton idée derrière tout cela ?

Phildel : Je voulais que toutes les vidéos se déroulent au même endroit, dans ce monde imaginaire. On y trouve des gens qui portent des masques blancs et chacun d’entre eux représente le subconscient, les voix que tu entends dans tes rêves.

Tu les as également réalisées, n’est-ce pas ? C’est quelque chose que tu as dû apprendre à faire ?

PHILDEL - Interview - Paris, vendredi 18 octobre 2013Phildel : Oui ! Je ne suis qu’une débutante, pas une réalisatrice professionnelle, mais j’ai une vision, je veux m’assurer que les choses apparaissent comme je les avais imaginées. Évidemment il y a des limites, parce que je ne disposais que de 300 livres pour filmer toutes les vidéos. Donc c’était juste moi, ma caméra et quelques amis. Mais je pense que quand il s’agit d’art, il faut faire en sorte que les choses arrivent, que ça devienne réel, même si tu n’as pas d’argent. Si tu as une vision, il faut que tu fasses en sorte que ça existe.

En revenant à la musique, il y a beaucoup de riches arrangements sur le disque, comme les sections de cordes, c’est quelque chose qu’il t’a fallu apprendre pendant tout ce procédé, ainsi que la production je crois ?

Phildel : Oui tout à fait. J’ai acheté un énorme bouquin sur les arrangements de cordes qui s’appelle ‘Le guide de l’orchestration’ (The Guide to Orchestration, ndlr), et je l’ai lu. J’ai la chance d’avoir une oreille naturelle pour ce type d’arrangements, les cordes, les harmonies vocales, les chœurs… Je peux naturellement suivre mon instinct pour les créer mais j’ai aussi lu ce livre pour m’assurer que je n’étais pas en train de faire n’importe quoi !

Tu as joué dans de très beaux lieux à Londres, comme St Pancras Old Church, essaies-tu de donner un côté théâtral à ta musique ?

Phildel : Oh oui ! Sans aucun doute. Je pense que c’est important de jouer dans des endroits spéciaux, et justement ce concert-là était vraiment spécial parce que c’était pendant la pleine lune et il y avait eu une éclipse en plein milieu du concert. Soudainement toutes les lumières se sont éteintes parce qu’il y a eu un problème de courant, mais la musique a continué alors que nous étions tous dans le noir, et j’ai ressenti quelque chose de sauvage et de spontané dans l’atmosphère de ce concert. C’était une nuit vraiment spéciale.

Quelle forme prennent les chansons sur scène, tu joues avec plusieurs musiciens ?

Phildel : Oui, normalement lorsque l’on joue à l’étranger on est trois sur scène, un percussionniste, Chris et moi. Mais à Londres on fait venir plus de gens, il y a aussi des cordes, violons et violoncelles et une petite chorale.

Tu mentionnais ta musique dans les publicités, et c’est vrai qu’elle a été beaucoup utilisée : Marks & Spencer, Expedia, Apple, des marques de lessive… ça ne te pose aucun problème ? C’est une bonne ou une mauvaise chose pour toi ?

Phildel : Pour moi cela a toujours été une bonne chose, parce que je n’écris pas seulement des chansons, je compose. Il y a tellement de projets auxquels je participe : des films, des défilés de mode, des pièces de théâtre. La publicité en fait partie. Et en tant que compositrice il est bon de voir chaque opportunité comme un exercice pour apprendre à composer différemment. Mais pour moi en tant qu’artiste, il est très rare que mes chansons (celles des albums, ndlr) soient utilisées dans ce type de campagnes, je pense donc que ce sont deux choses différentes.

Tu me parlais de mode et tu as justement composé pour la créatrice Henrietta Ludgate, comment s’est présentée cette opportunité ?

Phildel : Je jouais dans le cadre d’une petite soirée dédiée à la poésie à Earls Court à Londres et elle était là. Elle a vu le concert et elle est venue me voir, là elle m’a dit : ‘Je fais ma première au London fashion Week dans deux mois, je voudrais que tu fasses la musique’. Son show consistait en une forêt enchantée, au milieu de cet événement. J’ai donc composé la musique pour sa collection.

Tu es sur le point de sortir un nouvel EP (‘The Glass Ghost, sorti en novembre, ndlr). Il semble qu’il a fallu moins de temps pour enregistrer celui-ci, sera-t-il assez similaire à ce que tu as fait sur l’album ?

Phildel : Je pense que oui. Tout cela évolue dans un monde plus ou moins similaire. Ce sera un peu le même type de voyage avec ses variations, comme sur l’album tu peux trouver ‘Funeral Bells’ avec juste des voix ou ‘The World’ qui est plus ‘Dance’. C’est inspiré par l’hiver, il y aura donc beaucoup de sons de verre et de glace, un côté magique et hivernal. C’est aussi inspiré par les contes de fées sombres, il y a sans doute un aspect plus enchanté, mais c’est sûr que ça m’a pris beaucoup moins de temps pour mettre tout ça en place!

Propos recueillis à Paris, le vendredi 18 octobre 2013

Un grand merci à Phildel, ainsi qu’à James Brennan pour avoir rendue cette interview possible.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de ‘The Disappearance Of The Girl’ (2013)

Galerie photos du concert au Dandy, Paris, le vendredi 18 octobre 2013

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