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EMA – Interview – Paris, lundi 7 novembre 2011

Ce fut l’un des gros buzz du printemps. Avec son album ‘Past Life Martyred Saints’, EMA – de son vrai nom Erika M. Anderson – est devenue un véritable phénomène émergeant de la scène alternative US, une sorte de Cat Power à l’atmosphère plus noisy et torturée. Nous avons eu le plaisir de la rencontrer à l’occasion de son passage au Festival des Inrocks à l’Olympia avec Anna Calvi et le Prince Miiaou le 7 novembre dernier.

EMA - Interview - Paris, lundi 7 novembre 2011

‘Past Life Martyred Saints’ est ton premier album, mais il s’est passé beaucoup de choses avant, pourrais-tu donc me parler un peu de tes débuts, d’où tu viens et comment tu as commencé la musique ?

EMA : Je viens d’un Etat très rural des Etats-Unis, le Dakota du Sud. J’ai joué dans des groupes de Punk Rock là-bas qui avaient toujours une approche musicale assez bizarre, mais surtout instinctive. Puis je suis partie à Los Angeles où j’ai beaucoup joué dans une salle underground qui s’appelle ‘The Smell’, dans un coin assez terrible de la ville. Ca s’appelle The Smell parce que ça pue affreusement ! Puis je suis partie pour Oakland ou j’ai découvert une scène musicale plus expérimentale, notamment la musique d’improvisation et la musique électronique , et puis ce que les gens appellent ‘Noise’. Donc beaucoup d’influences différentes.

Et c’était difficile de grandir dans le Dakota du Sud, d’un point de vue artistique ?

EMA : Il y a deux aspects à cela. Le premier, c’est qu’il n’y a pas vraiment « d’art » là-bas. Je n’ai jamais rencontré un peintre, un écrivain ou un acteur. Mais il y avait un scène Punk autoproduite, théâtrale et sauvage, vraiment florissante. Donc je pense que l’essence de l’art était quand même là, pas d’une façon formelle, mais à travers ce qu’entreprenaient les gens, c’était assez… poétique !

Tu es partie pour Los Angeles à l’âge de 18 ans. Pensais-tu à ce moment-là que c’était le bon endroit pour débuter une carrière musicale ?

EMA - Interview - Paris, lundi 7 novembre 2011EMA : Non, en fait je voulais travailler dans les films, la vidéo. A cause de l’environnement d’où je venais, je crois que je ne pouvais pas penser être capable de devenir musicienne. Je n’avais pas cette idée, donc je me disais que peut-être je pourrais travailler sur des documentaires. Je voulais participer à des programmes documentaires sur les enfants ! Quand tu viens du Dakota du Sud on ne te dit pas ‘Vis tes rêves, deviens une artiste !’ mais plutôt ‘trouve-toi un travail’. Même le fait de quitter le Dakota du Sud, on te dit « qu’est-ce que tu vas faire ? », donc je ne savais pas ce que j’allais faire !

Et ton groupe, Gowns, tu l’as commencé peu après ?

EMA : Pas tout de suite. J’ai d’abord été dans un groupe qui s’appelle Amps For Christ et qui était un de mes groupes préférés, ils existaient déjà avant que je ne les rejoigne. L’un des membres qui avait auparavant fait partie de Man In The Bastard et Bastard Noise (Henry Barnes, ndlr), des groupes Hardcore au son très dur. Il a ensuite démarré un projet Folk avec beaucoup d’instruments combinés, comme une cithare sur laquelle il collait des milliers d’effets. C’était vraiment génial pour moi parce que c’était le premier groupe qui m’a fait comprendre que tu peux avoir un son à toi, un langage, une ‘signature sonique’. Je me suis sentie extrêmement chanceuse de jouer avec eux. Puis j’ai commencé Gowns avec Ezra. On n’avait pas de grandes ambitions, on se disait plutôt ‘Oh, on va faire ce duo Folk, on va se faire plaisir…’, mais finalement ça a grandi.

Est-ce que ç’a été difficile pour toi de commencer un projet en solo après avoir fait partie d’un groupe, et penses-tu avoir évolué depuis ?

EMA : Oui, j’avais beaucoup à apprendre avant d’être capable de faire ce que je fais maintenant. J’avais une idée très précise de ce que je voulais faire musicalement avec ma forte personnalité. Donc même lorsque je faisais partie d’un groupe je pouvais être… dominatrice ! « Je veux faire ça ! ». Même si j’essayais de ne pas être ainsi ce genre de choses avait tendance à arriver. J’affirmais que Gowns était un duo ‘égal’ alors que les gens me disaient que j’étais le leader. Malgré le fait de vouloir partager on faisait finalement ce que je décidais. Mais j’ai tellement appris de cette expérience en duo. Aucun de nous deux n’avait de formation musicale, mais on en connaissait beaucoup sur l’électronique, l’improvisation, sur le fait de faire des performances ‘intéressantes’. Parfois je me dis qu’il aurait été bien d’avoir du succès dès le début, mais en même temps je pense que ç’a été une super expérience parce que j’ai beaucoup appris en partant de ce système ‘do it yourself’.

Ton album a un côté très personnel, avec des paroles parfois très dures, d’où vient l’inspiration ?

EMA : Ca vient du subconscient. Les meilleures chansons sont celles auxquelles tu ne penses pas trop. Je me suis souvent surprise moi-même en écrivant, j’étais choquée par ce que je créais, par ce qui ressortait. Mais je trouve sans doute dans tout cela une vérité plus profonde que si c’était quelque chose de calculé.

Et les chansons ont-elles été écrites sur une longue période ?

EMA : Oui, certaines comme ‘Butterfly Knife’ et ‘Marked’ sont très vieilles. Il y en a d’autres plus récentes, du coup je suis surprise que tout cela ait autant de cohésion, parce que j’ai enregistré dans de nombreux endroits à des moments différents.

Et as-tu pensé à jouer ces chansons avec ton groupe par le passé ?

EMA : Oui, on en a joué certaines ensemble avec Gowns. Et peut-être un mois après notre séparation, Ezra, qui savait que j’avais travaillé très dur sur ces morceaux, m’a écrit et il m’a dit « Tu devrais sortir ces chansons sur un EP, ou continuer ». J’avais sa bénédiction, c’était vraiment cool.

Tu as également produit cet album toi-même, quels challenges cela impliquait-il ?

EMA : J’ai été aidée par Leif Shackleford qui joue avec moi maintenant. Mais ce qui était difficile, c’était de trouver le bon matériel, ou l’endroit pour faire tout ça. Et puis je suis autodidacte, donc je passais beaucoup de temps à jouer pour me perfectionner. C’est bien et mal à la fois. Ca aurait été super de savoir tout faire dès le début, mais en même temps tu n’obtiendrais pas le même résultat.

L’album commence avec ‘The Grey Ship’, une chanson qui dure plus de 7 minutes. Peux-tu m’en parler, a-t-elle été difficile à enregistrer ?

EMA : Elle n’a pas été si dure à enregistrer. Le dernier titre que j’ai fait avec Gowns durait 17 minutes ! Une reprise de Robert Johnson qui était vraiment dure. Mais j’aime ce type d’œuvres très longues et dramatiques.

EMA - Interview - Paris, lundi 7 novembre 2011Alors que ‘The Grey Ship’, c’est plutôt deux chansons en une ?

EMA : Oui. On m’a même suggéré de la couper en deux morceaux , mais pour moi le but était justement de les mettre ensemble. De faire réfléchir les gens sur des thèmes tels que la technologie, la fidélité aussi. Dans mes chansons il y a une grande part d’émotion, et puis il y a la production. Les paroles sont écrites très vite, sans y réfléchir, et je voulais que la production aussi parle d’elle-même.

Et de quoi parle la chanson ‘California’ ? Est-elle inspirée par le temps que tu as passé à Los Angeles, car elle sonne comme un témoignage de regrets, et d’échec…

EMA : En fait c’est sans doute plus inspiré par Oakland, en Californie. Ca parle du fait d’être loin de chez soi, d’aller dans un nouvel endroit. Et puis il y a ces lignes de textes « I bet my money on the bob-tail nag / Somebody bet on the bay » qui viennent d’un vieux classique américain, ‘Camptown Races’… ‘California’ parle de tellement de choses, mais ça résume plutôt bien mon temps passé là-bas.

Et de quoi parle le titre ‘Butterfly Knife’ ? Il est très noir…

EMA : C’est tiré d’une histoire que j’ai lue dans les journaux au sujet d’un meurtre d’adolescent gothique. C’était si triste et pathétique, mais ça m’a aussi rappelé mes jeunes années, quand on regardait Natural Born Killers tout le temps. Quand j’ai lu cette histoire je me suis dit que beaucoup de gens vivaient ainsi à la limite, sur le point de faire des choses vraiment barrées, ces tragédies horribles comme Columbine. Il y a tout une génération de gens a qui ce genre de choses aurait pu arriver.

Et ‘Marked’ est une chanson plus personnelle, non?

EMA : Oui, mais en même temps je ne suis pas totalement décidée sur sa signification. C’est justement le genre de morceau qui vient directement du subconscient, donc c’est assez ambigu.

Et peux-tu me parler de la pochette de l’album. Quel est l’idée derrière cette photo de toi qui pose comme un saint?

EMA : Dans le livret il y a une photo de Stephen et Andrew. Ils vivent tous les deux dans le Dakota du Sud et y ont toujours habité. Et Stephen a traversé une phase pendant laquelle il pensait être un saint réincarné. Il a aussi beaucoup pensé aux extra-terrestres, et a eu beaucoup d’idées dans ce genre-là…

Es-tu inquiète du fait qu’il y ait probablement aujourd’hui de grandes attentes pour la suite de ta carrière après les chroniques très positives que tu as reçues?

EMA : Oui, bien sûr. J’ai l’impression d’avoir été une artiste depuis longtemps, donc c’est facile pour moi de faire ce que je veux. Mais tout ce qui est nouveau pour moi, ce sont les interviews, la presse, les chroniques, le fait de devenir un personnage public, donc de ce point de vue oui, peut-être.

Ce soir tu joues dans une salle Parisienne légendaire (l’Olympia) avec Anna Calvi, qu’est-ce que ça te fait?

EMA : Ravie! Je suis excité de voir les artistes avec qui je vais jouer ce soir!

Propos recueillis le lundi 7 novembre 2011 à Paris.

Un grand merci à EMA, à Aymeric Join-Dieterle pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à tout l’équipe de City Slang.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de ‘Past Life Martyred Saints’

Voir la galerie photos du concert au Festival des Inrocks, à l’Olympia, Paris, le 7 novembre 2011

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