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MIKAELA DAVIS : « Je suis tombée immédiatement amoureuse de la harpe »

Pop, Rock, Folk, psychédélique… Il n’est pas simple de coller une étiquette à Mikaela Davis qui, les doigts posés sur sa harpe, offre une touche de modernité à son instrument de prédilection. Nous avons profité de sa venue à Paris au Pop Up du Label pour en savoir un peu plus sur son parcours et comprendre comment elle s’est émancipée des limites imposées par sa formation classique pour se dédier à une musique plus actuelle, en alliant sa dextérité à une bonne dose d’imagination. Une interview avec Mikaela Davis en compagnie de son batteur, Alex Coté.

MIKAELA DAVIS - Interview - Paris, mercredi 26 septembre 2018

Peux-tu me parler un peu de toi, d’où tu viens et quand tu as commencé à faire de la musique ?

Mikaela Davis : Je suis originaire de Rochester, dans l’état de New York – pas la ville – près du Canada. J’ai commencé à jouer de la harpe à l’âge de 8 ans à l’école élémentaire, et ensuite j’ai pris des cours privés, une formation classique. Plus tard, j’ai étudié la performance musicale à l’Université et j’ai obtenu un diplôme en harpe. Je chante également depuis toujours. Mon batteur Alex chante avec moi depuis le collège.

Alex Coté : Nous avions quel âge ? 11 ou 12 ans peut-être ?

Mikaela Davis : Oui, c’est ça… C’est fou ! Puis nous avons commencé à jouer dans des groupes ensemble au lycée, mais j’ai commencé à composer dès l’âge de 11 ou 12 ans. A l’époque je jouais à l’école pour mes camarades de classe, mais je n’ai pas joué dans des bars avant l’âge de 18 ans.

Et pourquoi as-tu choisi la harpe plutôt qu’un autre instrument ?

Mikaela Davis : Mon école primaire proposait des cours de harpe, mais aussi de violon, violoncelle, etc. Donc quand ils ont montré aux élèves tous les instruments qu’ils pouvaient jouer à l’école, ils ont montré la harpe et je suis tombée immédiatement et complètement amoureuse de cet instrument. Je suis rentrée à la maison et j’ai dit à mes parents « je vais jouer de la harpe ! ». J’ai eu la chance d’avoir leur soutien, ils m’ont acheté une harpe pour commencer. J’ai joué dans des orchestres de jeunes au lycée et j’ai choisi d’étudier la harpe à l’université.

Quelques années plus tard tu as décidé de passer de ta formation classique à une musique Pop, qu’est-ce qui t’a incitée à prendre cette décision ?

Mikaela Davis : Ça faisait longtemps que j’écrivais de la musique et quand j’étais à la fac j’ai signé avec un tourneur. J’ai donc été en mesure de partir en tournée avec ces chansons et j’ai décidé de continuer ainsi plutôt que d’aller faire des études supérieures et continuer à faire de la musique classique, parce que quand j’ai connu ça, je me suis dit que c’était vraiment ce que je voulais faire, jouer la musique que j’avais composée plutôt que jouer par moments à l’arrière d’un orchestre, et pas tellement en fin de compte.

MIKAELA DAVIS - Interview - Paris, mercredi 26 septembre 2018

Et y-a-t-il certains artistes qui t’ont inspirée et donné envie de passer à l’écriture ?

Mikaela Davis : Les artistes qui m’ont vraiment inspirée étaient Ben Folds, Sufjan Stevens, et Vanessa Carlton que j’adorais quand j’étais plus jeune. Maintenant j’écoute beaucoup Neil Young, Melody’s Echo Chamber, une artiste française, son nouvel album « Bon Voyage » est mon préféré de l’année, tout le monde devrait l’écouter !

Ton nouvel album s’appelle « Delivery », mais j’ai découvert qu’avant ça tu en avais sorti un plus confidentiel en 2012, ressemblait-il à ce que tu fais aujourd’hui ?

Mikaela Davis : C’était un peu différent. A l’époque j’écoutais beaucoup de Sufjan Stevens, donc c’était plus dépouillé. Il y avait beaucoup de harpes et de cloches, c’est la musique que j’ai écrite quand j’avais 16 ou 17 ans avant de vraiment savoir comment je voulais faire sonner ma musique. J’étais juste plus jeune, donc tout sonnait différemment.

Et quelles sont les histoires, s’il y en a, qui ont inspiré ce nouveau disque ?

Mikaela Davis : Je pense que le thème du disque, c’est justement celui d’écrire un disque, parce qu’il avait été enregistré puis mis au rebut en 2014/2015, puis j’ai signé avec le label Rounder Records qui voulait que j’écrive plus de chansons et que je les réenregistre. J’étais assez énervée, donc je suppose que certaines chansons le sont aussi. Beaucoup d’entre elles parlent du fait d’essayer d’écrire des chansons, en se demandant quand ce serait assez bon.

Et comment composes-tu, avec la harpe ou d’autres instruments ?

Mikaela Davis : Ça dépend, parfois à la harpe, parfois au piano. Certains morceaux de l’album ont été co-écrits avec Alex, mon batteur. C’est bien parce que quand je n’arrive pas à finir une chanson je l’apporte à Alex et il m’aide à la terminer.

Et ensuite tu as enregistré l’album avec John Congleton, tu as beaucoup appris avec lui ?

Mikaela Davis : Oui, il est bizarre et impressionnant à la fois. C’est quelqu’un de très inspirant qui travaille vraiment vite, et ses idées étaient parfois l’opposé de ce que j’avais en tête, mais finalement le résultat était exactement celui que j’espérais. Par exemple je pensais que « A Letter I’ll Never Send » serait une chanson super Folk, très dépouillée, et il m’a dit « non ! Ce titre devrait avoir des guitares Fuzz, il devrait commencer à la harpe, puis la batterie arrive soudainement, avec des roulements comme une fanfare », quelque chose de très lourd en fin de compte, et parfaitement l’opposé de ce que j’imaginais. Il a plein de bonnes idées, c’était donc une vraie source d’inspiration.

Il y a d’ailleurs un mélange de beaucoup de genres sur l’album : Pop, Soul, 80’s, psychédélique… Est-il parvenu à trouver le bon équilibre entre toutes ces influences, ou avais-tu quelque chose de clair en tête avant d’entrer en studio ?

Mikaela Davis : Je ne savais vraiment pas à quoi ressemblerait le disque, j’avais peur et j’étais nerveuse parce que c’était la première fois que nous travaillions avec un gros producteur. Je ne savais pas si les gens allaient aimer le groupe, nous étions tous tellement effrayés ! Je pense avoir gagné en confiance pendant l’enregistrement. J’ai commencé en me demandant si j’étais assez bonne, si on allait m’aimer. A la fin j’étais très heureuse des chansons et j’avais le sentiment que nous avions réalisé quelque chose de vraiment spécial.

« Emily » est le seul titre que tu n’as pas écrit, et en même temps c’est celui sur lequel la harpe est la plus présente, peux-tu me parler de cette chanson ?

Mikaela Davis : Eh bien Alex va t’en parler !

Alex Coté : Cette chanson a été inspirée par une amie à moi, à l’école. Elle m’est venue un jour et des années plus tard, après ne plus avoir vu cette personne depuis longtemps, je ne savais plus de quoi parlait ce morceau quand je l’avais écrit. Il m’a fallu des années, en l’écoutant joué par Mikaela ou par moi-même pour réapprendre de quoi elle traitait. Les deux heures qu’il m’a fallu pour l’écrire sont venues naturellement. Si je devais la résumer maintenant, à force de la jouer, je dirais qu’elle se rapporte à quelqu’un qui pourrait avoir des problèmes mentaux que tu ne comprends pas mais que tu aides à traverser ça. Je pensais juste écrire une chanson d’amour lorsque je l’ai créée, mais d’un autre point de vue, pas simplement « I love you baby ! ».

Et puis tu as demandé à la jouer, Mikaela ?

Mikaela Davis : Oui, nous étions assis à un feu de camp, près de New York où la famille d’Alex a un cottage. En fin de soirée il chantait plein de chansons, Neil Young, plein de reprises et de chansons à lui et quand il a fait celle-là j’ai cru que c’était une reprise. Je lui ai demandé « qui a écrit ça ? Je l’adore ! ». Il m’a dit « oh, oui je l’ai écrite à la fac ». Et je n’ai pas pu me la sortir de la tête pendant des semaines, donc je lui ai demandé si je pouvais la jouer… Il a dit oui !

The Staves chantent avec toi sur le disque ?

Mikaela Davis : Oui, elles chantent sur « Emily » et sur « Pure Divine Love », et elles sont sur le point de partir en tournée avec First Aid Kit, je remarque ton T-shirt !

Quelle est l’idée derrière l’artwork de l’album et ces yeux sur le mur derrière toi ?

Mikaela Davis : Je venais de faire une session photo, dans l’allée d’un bowling à Rochester. Il y avait juste ce mur avec tous ces yeux dessus. J’ai trouvé ça très cool et c’est en lien avec l’album puisqu’il s’agit de devoir écrire plus de chansons pour mon label, et tout le monde me regarde ! Il y avait un sentiment de pression autour de moi, c’est pour ça que j’ai choisi cette photo avec tous ces yeux.

Tu as un titre préféré sur l’album ?

Mikaela Davis : Ma chanson favorite est « All I Do Is Disappear », et « Pure Divine Love » aussi, simplement parce que j’ai écrit la première à un moment où j’étais vulnérable et je ne me souviens pas comment elle est arrivée.

Tu as un groupe avec toi, ce sont les personnes en photo avec toi sur l’album ?

Mikaela Davis : Il y a Alex et Shane en effet. Nous avons enregistré l’album live, basse, batterie et harpe. Je jouais de la harpe dans une pièce séparée en même temps, en chant, pour nous, donner l’impression de faire une performance live. Nous enregistrions tout ainsi et gardions la meilleure prise, en gardant la basse et la batterie enregistrée ensemble, en une seule prise. Puis nous avons réenregistré la harpe par-dessus. Puis Alex a ajouté la guitare, et moi les voix.

MIKAELA DAVIS - Interview - Paris, mercredi 26 septembre 2018

Alex Coté : J’ai enregistré la guitare comme Mikaela aurait voulu que je le fasse (rires). Et puis nous avions joué dans un groupe ensemble à l’université et c’était la première personne à m’avoir laissé jouer de la guitare. J’avais enfin l’opportunité de jouer de la guitare sur un album, alors je me suis dit que je ferais mieux de la rendre fière !

Au sujet de la harpe, penses-tu que c’est un instrument que l’on peut également apprendre à jouer soi-même ?

Mikaela Davis : C’est possible, sans aucun doute. Si tu apprends sur une « lap harp » (ou harpe celtique, ndlr), c’est une harpe irlandaise qui est plus petite, la tension sur les cordes est moins forte donc c’est plus facile d’apprendre par soi-même. En revanche si tu apprends sur une harpe classique, pour apprendre la musique classique, alors je recommanderais fortement de prendre des cours, parce que si tu ne le fais pas correctement tu risques de t’abimer sérieusement les mains et le canal carpien, ce n’est vraiment pas bon. Il faut t’assurer que tes doigts sont forts et correctement positionnés.

Je dois avouer que je ne connais pas énormément de harpiste dans la musique Pop, à part Joanna Newsom j’imagine. Y-en-a-t-il certains que tu affectionnes particulièrement, que ce soit dans la musique classique ou contemporaine ?

Mikaela Davis : L’une de mes harpistes préférées de tous les temps est Alice Coltrane, c’est une harpiste de Jazz. Il y a aussi Andreas Vollenweider, il était très populaire dans les années 80, sa musique est vraiment d’un autre monde, il vous met en transe, c’est très éthéré. Quand je l’ai découvert j’ai tout de suite pensé que ma mère aimerait sa musique alors je l’ai appelée mais elle le connaissait déjà très bien et elle m’a dit « tu sais, j’écoutais ses disques tout le temps lorsque j’étais enceinte de toi ! ». Donc elle écoutait un harpiste alors que j’étais en train de grandir dans son ventre, et maintenant je joue de la harpe, c’est fou !

Maintenant tu es en tournée, est-ce difficile d’adapter tes chansons au live ?

Mikaela Davis : Non, je pense que nous jouons mieux les chansons maintenant en fait, parce que lorsque nous sommes entrés en studio le groupe ne connaissait même pas si bien la plupart des chansons, tout est arrivé tellement vite que nous n’avions pas eu le temps de nous y habituer. Maintenant, avec les arrangements et un groupe au complet, je pense que nos prestations live sont meilleures que sur le disque.

Et comment te sens-tu maintenant que ta carrière prend un tournant plus international, es-tu heureuse, anxieuse… ?

Mikaela Davis : Les deux ! Je suis surtout très excitée de jouer aux quatre coins du monde mais ça peut être très stressant parce qu’il y a seulement un mois je ne savais pas encore si je pourrais emmener tout le groupe avec moi. Il nous a fallu négocier pour voir comment ça pourrait fonctionner, parce que nous jouons dans de petites salles, mais pour moi ça en vaut la peine parce que je préfère jouer de bons concerts avec mes amis. J’ai joué ici il y a un an environ en première partie de Bon Iver, et j’étais seule. C’était extraordinaire mais j’aurais vraiment voulu que mon groupe soit avec moi. Donc même si nous ne jouons que dans de petites salles, je suis plus heureuse avec mon groupe.

Propos recueillis à Paris le mercredi 26 septembre 2018.

Un grand merci à Mikaela Davis, à Camille Duault pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Boogie Drugstore. Crédits photos : Jacalyn Meyvis

Pour plus d’infos:

Lire la chronique de « Delivery » (2018)

Le Pop Up du Label, Paris, mercredi 26 septembre 2018 : galerie photos

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