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OH LAND – Interview – Paris, jeudi 19 mai 2011

Oh Land est une jeune artiste danoise de 25 ans dont la carrière artistique ne date pourtant pas d’hier. Après 10 années passées à l’Académie Royale de Ballet du Danemark, cet ex-ballerine dévoile aujourd’hui un second album entre Pop fédératrice et électronique raffinée. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de son passage en concert à Paris afin de parler de son parcours, et surtout de son album qui s’apprête à atterrir dans les bacs le 6 juin.

OH LAND - Interview - Paris, jeudi 19 mai 2011

Ton nouvel album est sur le point de sortir en France, mais avant de faire une carrière musicale, tu as été ballerine à l’Académie Royale de Ballet du Danemark. Pourquoi as-tu commencé par la danse ?

Oh Land : J’ai grandi avec des parents musiciens. Ma mère était cantatrice et mon père jouait de l’orgue d’église et je ne voulais pas devenir ce que l’on attendait de moi. Pour tout le monde j’étais sensée avoir du talent pour la musique, ou alors ouvrir ma bouche et sonner comme Maria Callas ! Il y avait donc une certaine pression qui ne m’a pas donné envie de devenir musicienne. Donc j’ai commencé la danse parce que c’était proche de la musique bien que ce soit quelque chose de complètement différent. A l’âge de 10 ans j’ai posé ma candidature à l’Ecole Royale de Ballet du Danemark et j’ai été prise, donc c’est là que tout a commencé.

Tu as fait ça pendant 10 ans et tu as dû arrêter à cause d’une mauvaise blessure. Comment s’est passé la transition vers la musique, difficilement ? En douceur ?

Oh Land : C’était très naturel parce que j’ai essayé de prendre pas mal de décisions forcées lorsque j’ai eu cette blessure. C’était une période assez déprimante de ma vie. Je venais de perdre quelque chose qui signifiait tout pour moi, et j’essayais de trouver ce que j’allais faire de ma vie. Donc j’ai pris des décisions du genre « peut-être devrais-je prendre des cours de théâtre, écrire, etc. . ». J’ai essayé de faire de nouveaux choix mais aucun d’entre eux ne me rendait heureuse. Et tout en essayant tout ça je faisais déjà de la musique, mais je n’ai jamais eu à y penser, c’était quelque chose que je faisais naturellement. Il est arrivé un moment où je me suis rendue compte que c’était la seule chose que je ne m’étais jamais forcée à faire. J’en ai toujours fait naturellement, c’est comme respirer ou dormir. Une fois que mon dos a été complètement guéri de sa blessure, je ne voulais plus retourner à la danse, parce je ressentais au fond de moi que j’avais trouvé quelque chose qu’il me fallait explorer jusqu’au bout, et qui était surtout vrai et honnête envers moi-même.

Et d’où vient ton pseudonyme, Oh Land ?

Oh Land : En fait c’est mon deuxième prénom. Mon nom complet c’est Nanna Øland Fabricius. En Danois ça s’écrit avec un O barré et quand tu le dis en anglais c’est comme « Oh ! »… Tu es surpris ! Et puis j’aime l’idée que ma musique soit une terre (Land) de surprises, et que tu puisses explorer cet endroit où des choses inattendues peuvent arriver parce que l’histoire de ma vie est justement faite d’inattendus.

OH LAND - Interview, Paris, jeudi 19 mai 2011Et comment décrirais-tu ta musique, l’album a-t-il un thème en particulier ?

Oh Land : Je pense que je ne lui ai pas consciemment donné un thème, ce n’est pas un concept album, mais c’est inspiré par l’histoire de ma vie, mes expériences, mes émotions, les gens que j’ai rencontrés à des moments très précis où tout changeait dans ma vie. L’album a été écrit au cours des deux dernières années et le thème général c’est la nostalgie, parce que je me suis souvent retrouvée dans des situations où je ne connaissais personne autour de moi. J’ai quitté mon pays, ma famille et mes amis. C’est une sorte de désir mélancolique, de manque. Mais il y a aussi beaucoup de courage et aussi de poursuite, en me demandant ce qui va arriver ensuite, qui je vais rencontrer, tisser des liens avec de nouvelles personnes et devoir partir au loin encore… La vie d’une nomade en fait. Ca caractérise tout l’album.

Et comment s’est passé l’écriture ? C’était différent de ton premier album, ‘Fauna’ ?

Oh Land : Oui, c’était très différent. J’ai écrit ‘Fauna’ en solitude totale, dans ma chambre, moi, mon ordinateur et tout ce que je pouvais faire sonner pour enregistrer. Le résultat était très différent. C’était un long poème musical, un paysage sonore qui illustrait cette période de ma vie, alors que pour le nouvel album j’étais beaucoup plus consciente de l’utilisation de la musique comme moyen de communication, de faire passer des choses personnelles comme si elles ne l’étaient pas, qui laissent la place à un échange avec les gens. Et puis j’ai aussi travaillé avec d’autres personnes sur ce nouveau disque, je ne suis pas restée dans ma bulle, j’avais des gens sur qui m’appuyer. La dynamique était différente, avec une autre sorte de frustration. Quand tu collabores avec d’autres personnes il y a toujours une certaine tension, quand elle est bonne c’est créatif et malgré la frustration ça permet de faire quelque chose de meilleur. J’ai eu la chance de travailler avec des gens comme Dan Carey (The Kills, Franz Ferdinand, Hot Chip, ndlr), Dave McCracken (Depeche Mode, Beyoncé, ndlr) et Lester Mendez qui ont réussi à comprendre comment ça fonctionne dans ma tête ! Il m’ont donc vraiment aidée à faire quelque chose d’encore mieux.

Et penses-tu qu’avoir grandi dans un environnement fait de musique classique a eu une influence sur ta propre musique ?

Oh Land : Sans aucun doute, parce que je n’ai pas écouté de musique avec des paroles ou des morceaux de 3 minutes avant l’âge de 13 ans. J’écoutais plutôt des œuvres classiques ou expérimentales d’une heure et demie comme Stravinsky. C’était très différent. Je pense que mes références musicales sont très larges et variées. Le fait de comprendre une forme de musique plus abstraite m’aide à faire quelque chose de moins abstrait, justement ! Je sais ce que ‘abstrait’ veux dire et j’ai eu assez de tout ça !

Ton album n’est pas abstrait d’ailleurs, mais plutôt accrocheur.

Oh Land : Oui, c’est assez accrocheur ! Et je pense que si je n’avais pas eu ce genre de formation, ‘accrocheur’ aurait pu être synonyme de ‘plat’, mais j’ai toujours cette connaissance du classique qui apporte un peu plus de profondeur à mes chansons Pop. J’essaie d’incorporer cet élément autant que possible.

Et je trouve que ça s’entend sur l’album, notamment sur des titres tels que ‘Perfection’ avec ses violons.

Oh Land : Oui, exactement.

Et pourquoi as-tu choisi de faire de la musique électronique, par opposition à quelque chose de basé sur des instruments plus ‘traditionnels’, comme une guitare tout simplement ?

Oh Land : C’est parce que j’ai toujours été fascinée par le fait que de petits sons, qui ne sont pas forcément le fruit d’un instrument, puissent avoir autant de valeur que le son d’une guitare, d’une basse, d’une batterie. Et aussi parce que je n’ai pas appris à jouer d’un instrument en grandissant. J’aime penser que si tu es un musicien, tu es un musicien quoiqu’il arrive. Tu n’as pas besoin de savoir jouer d’un instrument pour être un musicien, tu peux l’être en étant quelqu’un de créatif. Alors bien sûr il y a ce que l’on appelle le ‘travail d’artiste’, mais je pense que l’on peut, par exemple, être un photographe sans savoir se servir d’un appareil photo, mais si l’on est passionné, on a ensuite la volonté d’apprendre à s’en servir. Et puis j’étais vraiment intéressée par les possibilités musicales offertes par la musique électronique, parce que tu peux faire sonner ça (elle donne un petit coup d’ongle sur un verre, ndlr) comme une batterie si tu le filtres comme il faut, ou si tu fais passer le son à travers un ampli. Il y a des tellement de choses possibles que la musique électronique donne beaucoup de liberté, et c’est une approche très ‘joueuse’ de la musique. Ca n’est pas basé sur la virtuosité mais sur la créativité.

Tu es originaire du Danemark, mais tu as choisi de t’installer aux Etats-Unis. Etait-ce pour des raisons artistiques ou personnelles?

OH LAND - Interview, Paris, jeudi 19 mai 2011Oh Land : C’était un peu des deux parce que j’ai toujours voulu y aller. Aussi effrayante cette culture puisse-t-elle parfois être, elle est aussi fascinante, et je pense que New York représente tous les extrêmes. Toutes les cultures sont réunies en un seul endroit, donc je pense que c’est un lieu très intéressant où se trouver pour être créatif. Il y a des gens des quatre coins du monde, personne ne parle un Anglais parfait, tout le monde est un voyageur, avec quelque chose à explorer, à découvrir à New York. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis installée là-bas, j’avais besoin de ‘mariner’ dans cette énergie!

Tu penses qu’il aurait été plus difficile de faire une carrière au Danemark?

Oh Land : Il aurait été sans aucun doute plus difficile d’y faire une carrière internationale. Le Danemark est un pays extraordinaire, mais aussi assez petit, et quand tu viens d’un petit pays, c’est important de partir à la découverte du monde.

Que te reste-t-il aujourd’hui de toutes ces années de danse. Essaies-tu d’adapter cela à la scène?

Oh Land : Je fais pas mal de mouvements sur scène. En revanche je ne fais pas de chorégraphie. Pendant 10 ans on m’a imposé ça, donc j’aime avoir la liberté de faire ce que je veux sur scène. je laisse la musique me conduire. Donc oui j’utilise la danse, mais en même temps c’est un soulagement de ne plus s’efforcer à atteindre la perfection dans les mouvements, et de faire ça au feeling, et peu importe si j’ai l’air stupide!

J’ai regardé la vidéo de ‘Sun Of A Gun’. peux-tu me parler un peu de ce clip, tu as fait la chorégraphie?

Oh Land : Oui! C’était au départ basé sur une improvisation, des choses que je faisais sur l’instant mais dont je devais me souvenir pour les refaire sur d’autres prises. C’était assez motivant, parce que quand tu fais plusieurs prises tu dois te souvenir exactement où tu en étais dans la chanson, donc il fallait que je sois très précise dans mes mouvements, afin que le résultat ressemble à une performance unique. C’était vraiment fun, une vraie performance de danse en fait, et puis d’ailleurs c’est ma manière de danser! Je ne sais pas comment le décrire!

D’ailleurs hier soir à la flèche d’Or tu as demandé la traduction de ‘Sun Of A Gun’ au public.

Oh Land : Oui! Alors comment dit-on?

Eh bien je n’en ai pas la moindre idée! je vois bien ce que veut dire ‘sun’ et ‘gun’, mais les 2 mots ensemble je ne vois pas!

Oh Land : En fait c’est une manière démodée de dire ‘son of a bitch’!

Ok! Alors je peux te le traduire maintenant si tu veux, bien que ça ne sonne pas tellement beau!

Oh Land : Ahaha, oui… En fait là c’est un jeu de mots, parce que ‘Sun’ peux vouloir dire ‘fils de…’ mais c’est aussi le soleil. Pour moi, c’est l’histoire d’une relation où il y a une personne très dominatrice, dont il est difficile de s’échapper. Tu tombes amoureux d’elle mais parfois tu veux t’enfuir et d’autres fois elle te ramène à elle. J’aime illustrer cette personne par la métaphore du soleil. Elle brille à un tel point que tu es aveuglé, et même brûlé. Et c’est comme ça avec le soleil, nous en sommes dépendants mais ça peut aussi être le symbole de quelque chose de dangereux dont il faut nous protéger. J’ai toujours aimé avoir ces différents niveaux d’interprétation dans mes paroles. Parfois ça ressemble à de simples histoires d’amour, mais il y a toute cette autre signification dedans. C’est comme ‘Wolf And I’ qui ressemble à une fable avec le loup et la lune qui sont amoureux. Mais le soleil est jaloux, alors le seul moment où ils peuvent se voir c’est quand le soleil se couche, la nuit, puis se soleil se lève et ils doivent se séparer. C’est une simple histoire d’amour, de jalousie et d’amour interdit. J’aime emballer ces histoires dans quelque chose de plus cinématique, métaphorique.

J’en arrive à ma dernière question. Finalement, tes parents sont-ils heureux que tu sois devenue musicienne?

Oh land : Oui, ils sont très contents! Et ce n’était pas une surprise pour eux, c’en était plus une pour moi parce que j’avais toujours été contre ça. Mais quand mes parents ont entendu ma musique ils étaient si contents que j’ai enfin trouvé ma propre voie en faisant de la musique et ils sont très fiers que ça marche. Mais quelquefois ils trouvent que ça sonne trop ‘dur’ pour eux, comme les rythmes qui leurs font parfois un peu peur, mais quand ça leur fait peur, je sais que c’est une bonne chose!

Propos recueillis le jeudi 19 mai 2011 à Paris

Un grand merci à Oh Land, à Antoine Berger pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à et toute l’équipe de Sony Music France.

Pour plus d’infos:

Lire la chronique de ‘Oh Land’

http://www.ohlandmusic.com/
http://www.myspace.com/ohlandmusic
http://www.facebook.com/OhLandMusic

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