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MY BRIGHTEST DIAMOND – Interview – Montreuil, jeudi 1er septembre 2011

Depuis son 1er album ‘Bring Me The Workhorse’ sorti en 2006, Shara Worden, plus connue sous le nom de My Brightest Diamond, est tout simplement l’une de nos artistes préférées. Exigeante, créative et jamais à court d’idées, l’Américaine revient aujourd’hui avec le superbe ‘All Things Will Unwind’, un album qui a la particularité d’avoir été composé et enregistré avec un orchestre de chambre, Ymusic.

MY BRIGHTEST DIAMOND - Interview - Montreuil, jeudi 1er septembre 2011

Comment est venue l’idée de composer un album avec un orchestre de Chambre?

My Brightest Diamond : Le violoniste Rob Moose a joué sur mes albums précédents et il a créé cette sorte de ‘supergroupe’ de musiciens, Ymusic. Ils m’ont demandé de composer quelques pièces instrumentales pour leur album et jouer avec des musiciens que je respecte tellement était vraiment une occasion qu’il me fallait saisir. Je devais donc faire un concert avec eux. Je savais que je devais composer de nouveaux titres et j’ai donc décidé de centrer ma musique autour de ça.

Donc les chansons ont été composées pour cet orchestre en particulier?

My Brightest Diamond : Exactement, oui.

Peux-tu m’en dire plus sur eux, ont-ils d’autres projets?

My Brightest Diamond : Ils font de tout, ça va de jouer avec l’orchestre philharmonique de New York à Antony & The Johnsons. La violoniste Nadia a travaillé avec Meredith Monk. En ce moment deux d’entre eux sont avec Bon Iver à voyager autour du monde. mais la plupart d’entre nous nous sommes rencontrés pour la première fois sur le projet de Sufjan Steven « BQE » (Brooklyn Queens Expressway, ndlr) il y a deux ans, et c’est à ce moment-là que le groupe est né.

Comment se passent les répétitions et la préparation des chansons avec un orchestre de chambre? J’imagine que c’est assez différent d’un groupe de rock…

My Brightest Diamond : Oui. Donc comme je le disais j’avais fait ce concert avec eux et je savais que je voulais composer avec eux. Quand je fais mes arrangements j’aime bien avoir un temps dédié à la réécriture. Si je ne le faisais pas je ne prendrais aucun risque et je ne veux pas être ‘conservatrice’ sur ce point là. Je savais que je ne pourrais répéter avec eux que trois fois sur une période de trois mois. Donc je travaillais à la maison, à composer un titre par jour, j’utilisais un programme informatique pour retranscrire les notes, puis je conduisais de Detroit à New York pour une répétition de deux à trois heures, puis je rentrais chez moi. Je corrigeais les problèmes, j’écrivais de nouvelles chansons, puis j’y retournais. Avoir le temps de répéter c’est vraiment important, mais aussi de faire un concert ensemble parce que ça nous a imposé des délais serrés à respecter.

S’agit-il du concert dont on peut voir une vidéo sur Internet ? (en cliquant ici, ndlr)

My Brightest Diamond : Non, c’était un concert dans une salle du Lincoln Center, The Allen Room, qui s’appelait The American Songbook Series et ils interdisent de filmer là… A moins que tu ne paies très cher !

J’ai lu que tu avais mis en place 3 règles pour la création de cet album :

-Toutes les chansons seraient jouées en acoustique
-Tu jouerais aussi peu que possible
-Si tu jouais, il fallait que tu utilises un instrument qui tienne dans une valise.

Donc, quelle est l’idée derrière ces règles, y-a-t-il une explication particulière ?

My Brightest Diamond : Depuis le début mon but est d’écrire de la musique de chambre, sans avoir une guitare rythmique qui donne le ton. C’est quelque chose d’assez difficile pour moi, parce que ça n’est pas simple de tout entendre dans sa tête en écrivant les chansons, donc en général on a tendance à trouver les harmonies en utilisant d’abord comme support un instrument rythmique. Je voulais me débarrasser de ce procédé autant que possible. Donc beaucoup de chansons commençaient juste avec un rythme et seulement la voix. Puis après avoir enregistré ça j’y ajoutais les arrangements uniquement basés autour de la voix. Ainsi je n’étais pas restreinte à mes limites en tant que musicienne, parce que je ne suis pas une grande musicienne.

MY BRIGHTEST DIAMOND - Interview - Montreuil, jeudi 1er septembre 2011Ça va, tu ne t’en sors pas trop mal !

My Brightest Diamond : (rires) Merci !

Et sur cet album utilises-tu toujours des sons électriques et électroniques, comme la guitare électrique par exemple ?

My Brightest Diamond : Oui. A la fin, j’ai envoyé le disque à mon ami Zach Ray et il y a ajouté à peu près tous les sons électriques que tu peux entendre. En général je pense à mes arrangements dans un espace vertical et horizontal. Tu as les flûtes et les trompettes dans les fréquences hautes et la basse et la batterie dans les basses. En mode stéréo tu peux ajouter une clarinette à gauche, un violon à droite, mais lorsque tu donnes autant d’importance à chaque instrument alors tu ne peux pas en mettre un en arrière pour créer un effet de profondeur… Euh je me demande si je n’entre pas un peu trop dans les détails! Donc, puisque je dis que chaque instrument a la même importance, cela donne une sorte d’image ‘plate’ et les sons électroniques et les arrangements viennent remplir l’espace, pour avoir un résultat en trois dimensions.

Même si tu ne joues pas beaucoup toi-même sur cet album, y-a-t-il cependant un instrument auquel tu es plus attachée, comme celui… dans la valise?!

My Brightest Diamond : Oui, j’ai un tout petit banjo, un ukulélé et un mbira, c’est un instrument du Zimbabwé, et puis mon orgue à pompe qui est sur la dernière chanson ‘I’ve Never Loved Someone’. Ca se plie dans une valise, même si ça ne tient pas dans la valise dont nous parlions, celui-là peut compter… Parfois il faut savoir briser les règles!

Oui, et comme ça tu arrives à mettre plusieurs petits instruments dans une même valise!

My Brightest Diamond : Oui, c’est ce que je fais!

Parlons maintenant de l’album en lui-même. Quels sont les thèmes abordés?

My Brightest Diamond : Les chansons ont commencé avec une juxtaposition d’opposés. Il y a le thème de la naissance, les débuts, les milieux et les fins. Je voulais raconter des histoires, donc j’ai commencé par me demander quelles étaient les plus grandes histoires de l’humanité, comme des contes traditionnels. Donc j’ai écrit un poème sur la grande inondation, d’autres choses aussi qui n’ont pas fini sur le disque, mais parmi celles qui se trouvent sur l’album, il y a ‘In The Beginning’ qui parle des premières cellules de vie qui se rassemblent, alors que la fin de l’album parle plus de la mort d’une certaine manière, par exemple le fait d’accepter que le soleil s’éteindra un jour. Je parlais à un scientifique et il m’a dit « on sait que le soleil s’éteindra un jour, on ne sera plus là », puis il a ajouté « n’est-ce pas une belle chose de savoir qu’il y a une fin à l’histoire? On aura disposé de pas mal de temps sur terre… ». Je lui ai dit « vraiment?! C’est ça votre vision du futur? ». De la part d’un scientifique j’ai trouvé ça très bizarre, mais beau. Donc la dernière chanson de l’album est dédiée à mon fils, lorsque je dis que quand je mourrai je serai toujours là pour lui (dans ces paroles, ndlr : And when I grow to be a poppy in the graveyard / I will send you all my love upon the breeze).

J’imaginais d’ailleurs que le fait de devenir mère a dû avoir un impact sur tes compositions.

My Brightest Diamond : Sans aucun doute sur cette dernière chanson, et ‘Reaching Through To The Other Side’ traite également plus ou moins de cette idée de naissance, d’épouser le combat de la vie et de ce dire que c’est un beau combat, mais aussi de prendre conscience que des gens étaient là avant nous. Il y a cette artiste de Detroit qui prend les roses dans les jardins des maisons qui ont été détruites ou abandonnées. Les roses soient encore là bien que les maisons aient été démolies. Donc elle les plante ensuite dans un jardin et j’en ai également quelques-unes qui viennent de là. Il y a donc l’idée d’honorer les gens qui étaient là avant toi…

Oui, en les faisant continuer à vivre…

My Brightest Diamond : Oui, c’est ça. Donc, devenir mère a eu une incidence très large sur moi et sur le disque.

Et musicalement parlant, penses-tu que le désir de faire ce genre de projet, avec de la musique classique, a été influencé par la façon dont tu as grandi et ce que tu écoutais alors?

My Brightest Diamond : Je suis certaine que oui. En fait ma famille écoutait probablement encore moins de musique classique que moi. Ils l’écoutaient à la radio. C’est plus lié au fait que j’y étais exposée à l’école. Au lycée j’étais dans une chorale. Le fait d’être exposé à toutes sortes de choses a forcément des conséquences sur toi. En fait c’est faux ce que je viens de dire, parce que j’oublie que mon oncle jouait du Chopin, du Tchaïkovski, Debussy… J’oublie tout le temps ça mais il est la personne qui jouait du classique et aussi du Gershwin et beaucoup de Jazz au piano. C’est vraiment un musicien phénoménal! Donc en effet, je suis sûre que c’est lié avec ce qui t’entoures quand tu grandis.

Peut-être que ton récent travail avec Sarah Kirkland Snider (« Penelope ») a également eu une influence sur ce que tu allais faire avec cet album, puisque c’était juste avant?

My Brightest Diamond : Oui, je pense, parce que j’avais travaillé sur l’album ‘Penelope’, mais aussi sur ‘Clogs’ qui est un groupe avec guitares, percussions, violons et violes. Donc d’une certaine manière mon disque était une réponse à cela. J’ai aussi fait toutes sortes de nouvelles musiques, des choses minimalistes, du classique ‘New-Yorkais’, et j’ai le sentiment mon disque m’a permis de mettre en avant ma vision de tout cela

Ces temps-ci il semble que de plus en plus d’artistes utilisent la musique de chambre comme approche musicale, ressens-tu également cette tendance ?

My Brightest Diamond : Oui, sans aucun doute ! De plus en plus de gens ne se contentent pas de jouer dans un groupe de Rock ‘traditionnel’. Je pense que c’est en partie lié au fait que tout le monde recherche un nouveau son, de nouvelles combinaisons.

Je t’ai souvent vue jouer en solo sur scène à Paris. Comment cela va-t-il se passer pour ta prochaine tournée, emmèneras-tu l’orchestre avec toi ?

My Brightest Diamond : On va essayer de faire en sorte que ça arrive. Mais c’est très, très cher, donc il va falloir voir si c’est possible ou non. Il y a une dizaine de jours j’ai joué ces chansons avec un groupe Rock, puis avec un vrai orchestre, puis en solo, ça dépend vraiment des situations, il faut que je sois très souple. C’est un peu difficile parce que je n’ai pas écrit cette musique pour qu’elle soit jouée par moi, il faut donc que je la ré-apprenne !

Les versions sont donc complètement différentes sur scène lorsque tu n’es pas avec un orchestre ?

My Brightest Diamond : Oui, il faut qu’elles le soient. J’en joue certaines avec un sample en arrière-plan, histoire d’avoir un rythme présent. Il y en a d’autres que je ne peux pas jouer du tout.

C’est encore plus dommage lorsqu’il s’agit des titres que le public veut entendre !

My Brightest Diamond : Oui, ‘Be Brave’ par exemple, ou quelques-unes de mes préférées sont si dures à jouer en solo qu’il faut que j’utilise un ordinateur pour me venir en aide !

Tu as commencé avec un premier album plus Rock, bien que des éléments classiques étaient déjà présents, à « A Thousand Shark’s Teeth », jusqu’à ce disque ; penses-tu que cette évolution était planifiée depuis le début ?

My Brightest Diamond : Je recherche sans aucun doute mon propre vocabulaire. Je pense que j’ai toujours eu une relation privilégiée avec la guitare électrique, j’aime vraiment ça, mais je crois que je continuerai à changer, toujours, donc je ne ferai pas encore le même disque. Mais il y a sans aucun doute eu une évolution, et cet album est d’une certaine façon une réaction à ‘A Thousand Shark’s Teeth’, parce que d’un point de vue acoustique cet album-là était très difficile. J’essayais volontairement d’y faire cohabiter des instruments qui ne se marient pas forcément bien ensemble, donc c’était plus un travail de construction en studio, à l’inverse de ce disque.

Je trouve cet album beaucoup plus direct que ‘A Thousand Shark’s Teeth’. Il était plus difficile à aborder, alors que pour le moment je n’ai pu écouter le nouveau que trois fois et les chansons se détachent plus vite… ce qui ne m’empêchait pas d’aimer le précédent!

My Brightest Diamond : Je le pense moi aussi. Il fallait plus de temps pour connaître cet album, je suis d’accord.

Avant toi ma dernière interview était St. Vincent. Je me demandais si tu la connaissais, j’ai lu qu’elle avait repris ‘Freak Out’ sur scène.

MY BRIGHTEST DIAMOND - All Things Will Unwind (2011)

My Brightest Diamond : Oui, en fait on l’a joué ensemble. On est devenue amie sur internet en fait il y a quelques années. Une amie m’a conseillé d’aller voir son myspace et je me suis dit « J’adore cette fille, elle est épatante! ». Puis Sufjan Stevens a eu besoin de quelqu’un pour participer à sa tournée et moi je ne pouvais pas, donc je lui ai recommandé Annie (Annie Clark est St. Vincent, ndlr). Elle a dit oui et a donc fait la multi instrumentiste et chanteuse dans son groupe. On a finalement fait une tournée ensemble en janvier 2008, où l’on était toutes les deux dans le groupe de Sufjan, et depuis nous sommes amies!

Quand je l’ai rencontrée elle m’a expliqué comme toi qu’elle avait les mêmes problèmes pour faire venir un groupe en tournée en Europe, qu’elle devait jouer seule, ce qui ne la satisfaisait pas d’ailleurs.

My Brightest Diamond : Oui, c’est vraiment dur si tu ne conçois pas ta musique pour être jouée en solo lorsque tu la composes. parfois ça marche très bien…

Oui, je t’avais vue jouer au Point Ephémère pour ton anniversaire, ça avait plutôt bien marché, avec ton chapeau de fête et les ballons autour de toi!

My Brightest Diamond : Ah! Tu étais là! Mais je crois que c’est le plus gros des challenges de jouer ainsi. C’est quelque chose que j’aime et dont je veux être capable. J’ai vu Leslie Feist jouer toute seule à Radio City et c’était vraiment impressionnant. C’est très puissant lorsque tu peux te tenir face à un public et te sentir à l’aise ainsi.

Beaucoup de chansons de tes deux premiers albums ont été remixées, est-ce que ce sera le cas pour les nouvelles?

My Brightest Diamond : On va en faire quelques-unes, mais pas autant que par le passé.

Et les remixes, c’est quelque chose que tu aimes?

My Brightest Diamond : Oui, j’adore ça! Je suis complètement fascinée par la musique électronique et la manière de penser des musiciens qui jouent dans ce domaine, parce que c’est très différent. C’est comme être arrangeur et compositeur à la fois. Donc je pense que c’est bien de s’ouvrir à la participation d’autres personnes qui font les choses complètement différemment de toi.

Et comme tu apprécies les collaborations, travailles-tu sur d’autres projets en ce moment?

My Brightest Diamond : Voyons voir… Je pense que je vais faire plus de choses avec l’artiste visuel Matthew Ritchie et Bryce Dessner de The National. Nous allons écrire une musique pour un concert début novembre en Californie. Ça va être une pièce assez folle, où Matthew est supposé avoir un soleil à côté de lui, puis il lui tire dessus et le soleil est alors supposé tomber dans l’océan, puis quatre monstres l’emmènent avec eux dans un cercueil en forme de ballon.

Ça a l’air d’être… un sacré challenge !

My Brightest Diamond : Oui! Donc je suis sensée chanter pendant que tout cela se passe.

Je crois que j’en arrive à ma dernière question. J’avais lu que tu étais venue en France quand tu chantais dans une chorale à l’âge de 13 ans, en as-tu gardé un certain attachement pour la France ?

My Brightest Diamond : Oui sans aucun doute. Quand je suis venue à cet âge-là j’ai été si impressionnée. Ca peut paraître normal pour les gens qui vivent ici mais pas pour une jeune fille américaine qui n’avait jamais vu tellement de choses construites pour leur beauté, mais plus pour leur côté fonctionnel, utile. Même les choses les plus simples, comme une rampe de balcon en fer forgé, c’était vraiment époustouflant pour moi. Mais aussi l’utilisation des cercles.

Des cercles ?

My Brightest Diamond : Oui, la forme. C’est-à-dire le fait de retrouver beaucoup de courbes dans l’architecture, celles d’un réverbère par exemple, c’était vraiment quelque chose qui m’avait frappée. Ca semble plus fluide.

Oui, je suppose que c’est assez différent de l’architecture de là où tu viens… Il va falloir que j’y aille, pour être époustouflé moi aussi !

My Brightest Diamond : Ahahah ! oui !

Propos recueillis le jeudi 1er septembre 2011 à Montreuil (93)

Un grand merci à Shara Worden (My Brightest Diamond), à Pascaline Pizzighini pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à tout l’équipe de Differ-Ant.

Pour plus d’infos :

Lire la chronique de ‘All Things Will Unwind’

Lire la chronique de ‘A Thousand Shark’s Teeth’ (2008)
Lire la chronique de ‘Bring Me The Workhorse’ (2006)

La Cigale, Paris, mardi 7 octobre 2008 : compte-rendu / galerie photos
Le Point Ephémère, le mardi 22 avril 2008 : Compte-rendu / galerie photos
Le Point Ephémère, le lundi 26 février 2007 : Compte-rendu / galerie photos

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