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COCOON – Interview – Paris – Mercredi 1er juin 2016

Après avoir fait vibrer la scène Indie française pendant 5 ans, Cocoon avait mis fin à son aventure au terme de la tournée de l’album « Where The Oceans End » en 2012. Fatigué, le duo décida de faire un break pour permettre à chacun de se concentrer aussi sur d’autres projets. Quatre ans plus tard, rien ne laissait présager le retour de Cocoon, mais la vie a amené Mark Daumail à reprendre sa guitare Folk pour le bien-être de son enfant. Une histoire qu’il nous raconte à travers cette longue interview.

COCOON - Interview - Paris - Mercredi 1er juin 2016

Le dernier album de Cocoon était sorti en 2010. Après vous aviez décidé de faire une pause et de vous dédier à d’autres projets. Pourquoi as-tu décidé de remettre en marche la machine Cocoon aujourd’hui ?

Mark Daumail : Très bonne question ! En effet on a mis Cocoon en pause en 2010, parce qu’on n’en pouvait plus, que ce soit humainement ou musicalement. On a finalement arrêté à la fin de la tournée en 2012, là on s’est dit « stop ! ». C’est difficile quand tu as un groupe qui marche à ce point-là de dire « stop, on se repose, on est vraiment fatigué ! ». Et surtout de mon côté j’avais d’autres envies artistiques, et pour Morgane plutôt l’envie de se reposer. J’ai déménagé dans le Sud-Ouest et je me suis mis à faire un disque. J’avais envie d’électronique ; ça faisait déjà 7 ans que je faisais de la musique Folk et avec ma guitare acoustique je saturais à force d’entendre le même son tout le temps. J’ai donc sorti cet album, puis Morgane a commencé à écrire ses propres compositions. Je n’étais peut-être pas parti pour réactiver Cocoon, en tout cas je n’y pensais pas. Par contre ce qui était agréable c’est que dès que j’en parlais dans la rue, au boulanger, au pharmacien, je me rendais compte que tout le monde connaît une chanson de Cocoon, c’est assez marrant. On ne me reconnaissait pas forcément mais tout le monde connaissait la musique, et ça c’est hyper agréable. Donc je vivais un peu là-dessus et j’étais très content de faire mon album solo et… ma femme est tombée enceinte, je suis devenu papa ! Mais l’accouchement ne s’est pas très bien passé, le bébé est né avec deux malformations cardiaques. J’étais en plein dans mon album Electro « Speed Of Light » et j’ai tout arrêté… Entre les urgences et l’hôpital, tu rentres dans un monde comme dans le film « La Guerre est Déclarée » si tu l’as vu, on était exactement dans ce moment cauchemardesque, on pleurait beaucoup, on était très mal. C’était très impressionnant et on s’est retrouvé à vivre à l’hôpital. Tu comptes les jours, mais quand mon fils a commencé à aller mieux au bout de deux ou trois semaines j’ai demandé si je pouvais emmener une guitare acoustique pour lui faire du bien, parce que c’est un hôpital, et dans celui-là l’ambiance était vraiment pourrie. Surtout les hôpitaux pour enfants, c’était catastrophique. Et j’ai commencé à jouer de la guitare acoustique, je l’avais mise dans un coin, elle prenait la poussière, il y avait des araignées dedans ! Et là on s’est rendu compte que ça faisait du bien à tout le monde, à nous, la famille, et au bébé qui commençait à réagir. Sans m’en rendre compte j’ai écrit cinq ou six chansons là-bas, la moitié de ce qui allait devenir « Welcome Home ». En rentrant à la maison, une fois le bébé guéri six mois plus tard, d’abord je me suis posé, j’ai pris le temps de souffler puis j’ai commencé à jouer ces chansons et on m’a dit « c’est super, ce sont des chansons sur la vie ». Bizarrement j’écrivais beaucoup de chansons joyeuses à l’hôpital, je pense qu’il n’y a pas de hasard, par contre mon entourage – professionnel ou non – m’a dit « mais c’est du Cocoon par contre, il va falloir faire quelque chose » parce que c’est moi avec une guitare acoustique. Et voilà, c’est comme ça que la machine a été relancée.

Et Morgane n’avait pas le temps ou l’envie de revenir avec toi ?

Mark Daumail : Un peu des deux je crois. A un moment je lui ai dit « je crois que je suis en train de relancer Cocoon, il va falloir se mettre au boulot » et elle m’a répondu « tu as eu la chance de faire ton album solo, moi je suis en train de terminer le miens et je vais partir en tournée, juste au moment où le tiens sera terminé. » Sachant l’énergie que ça demande de sortir un album – tu ne peux te consacrer qu’à ça – elle a pris la décision de ne pas venir, mais de peut-être me rejoindre pour la tournée. Mais surtout elle a vu que toutes les chansons parlent de paternité, de famille, de générations, d’hôpital… Mais pas seulement, elles sont très joyeuses aussi. Elle a senti que ce projet était très personnel, mais elle m’a dit « vas-y ! » parce que c’était vraiment du Cocoon. J’ai commencé à me dire « comment va-t-on faire ? ». Si tu l’expliques au public, il n’est pas idiot, il va comprendre, par contre au niveau du son cette voix féminine va me manquer. Du coup j’ai commencé à réfléchir surtout à ne pas remplacer Morgane, parce qu’elle a une voix fantastique et qu’elle est irremplaçable, mais de faire une sorte de collectif de voix, un projet vocal. J’ai pensé au Gospel tout de suite, parce que ça va bien avec le thème de l’album. Le gospel c’est un peu la foi, je ne suis pas vraiment religieux, mais c’est au-delà de ça, dès que j’y ai pensé l’album était prêt dans ma tête.

Les chansons style « Cocoon » sont donc venues assez naturellement, tu n’avais pas l’intention de refaire quelque chose de plutôt électronique ?

Mark Daumail : La chance que j’ai c’est que j’ai Cocoon qui va se transformer maintenant en collectif, un peu comme les collectifs Rap ou Electro j’imagine, dont je serais le chef d’orchestre. De toute façon j’ai toujours écrit les chansons de Cocoon donc ça ne change pas. Je veux même disparaître, je suis obligé de porter ce projet – enfin, c’est plutôt cool ! – mais je ne recherche pas la notoriété, je veux me fondre dans ce collectif, que sur scène on soit 8 ou 9 et moi un musicien sur le côté, je vois vraiment de plus en plus Cocoon comme ça. Et de l’autre côté Mark Daumail, c’est cool d’avoir les deux noms.

COCOON - Interview - Paris - Mercredi 1er juin 2016C’est pour ça que tu n’as pas sorti cet album sous le nom de Mark Daumail?

Mark Daumail : Le problème c’est que le public m’aurait demandé pourquoi ça ne se serait pas appelé Cocoon, je ne voyais pas l’intérêt de chercher un nouveau nom.

Au départ tu étais seul et tu as composé beaucoup de chansons pour tes visites à l’hôpital, mais pour le processus général de composition de l’album il y avait d’autres chansons que tu avais depuis longtemps sous le coude?

Mark Daumail : Non, tout est à peu près venu à l’hôpital, les bases en tout cas. Quand je suis rentré j’avais six chansons finies avec les paroles et après j’avais les bases mélodiques pour le reste. A Bordeaux j’ai la chance d’avoir mon studio à moi, ça fait dix ans que je fais ce métier et j’ai accumulé plein de matériel, des micros, des ordis, etc. et je peux être autonome. Ça, c’est super, le temps n’a plus de valeur. Par contre ça peut être aussi un problème parce que tu ne t’arrêtes jamais. En tout cas j’ai commencé à enregistrer et dès que tu as six ou sept chansons tu sais que tu as un album. La chanson vraiment fondatrice de l’album c’est la première, ‘Retreat’. Tu sais, le boulanger, à force de faire du pain, il en fait de mieux en mieux, il développe une technique à lui, et moi j’ai l’impression que c’est ça, sur ‘Retreat’ en tout cas je me suis dit que j’étais enfin arrivé là où je voulais, j’avais franchi un cap par rapport aux autres albums, même mon album solo, notamment grâce à la nuance entre les paroles et la musique et la manière dont les accords s’imbriquent les uns avec les autres.

Tu as perdu un peu la peur de la page blanche, tu connais mieux les rouages d’une chanson ?

Mark Daumail : Je ne l’ai plus en fait, et voilà, c’est exactement ce que je voulais dire. C’est marrant un premier album, quand on s’est rencontré j’étais encore en fin d’adolescence, j’avais 20 ans, et quand tu fais un premier album ça jaillit de partout, c’est comme les hormones à cet âge-là, tu as des boutons et tu ne contrôles rien ! Et c’est l’inspiration qui guide tout. Et après c’est la technique qui s’acquiert, et le problème à la fin de ta carrière c’est qu’il y a plus de technique et moins d’inspiration et tu es un peu en mode automatique.  Et là c’est le premier album où j’ai l’impression de mélanger pile la technique et l’inspiration, il y en a juste un comme ça dans une carrière et je pense que c’est celui-là, un bon équilibre.

Tu as écrit ‘Get Well Soon’ qui est justement une chanson très personnelle.

Mark Daumail : Oui, c’est justement la première que j’ai faite à l’hôpital. Dans les pays anglo-saxons c’est en général une carte qu’on envoie pour souhaiter un bon rétablissement et c’est aussi le nom d’un groupe que j’aime bien. Et du coup j’aimais bien cette expression, ça marchait bien avec Cocoon. En en plus pendant ce temps-là ma mère aussi était tombée malade. J’ai énormément écouté Bob Marley aussi, et ce que j’aime dans ses chansons c’est qu’elles sont universelles, ‘Stand Up For Your Rights », « No Woman No Cry » … Et là je voulais faire un message au monde entier, c’est la première fois que je faisais ça. Je parle de ma maman qui a été hospitalisée, j’essaie d’être optimiste, et je parle de mon bébé en espérant qu’il va aller bien, et après je parle de ma grand-mère dont j’ai trouvé une vieille photo dans une boîte. Je la vois exactement à mon âge, à 30 ans, avec une espèce de lueur dans les yeux, comme si elle me parlait à travers les générations en me disant « tout ira bien ». Et c’est ce que je dis : tout va bien aller, tout le monde va se rétablir. Donc ‘Get Well Soon’ est vraiment la chanson fondatrice au niveau du message.

Et tu n’avais pas peur de livrer un peu trop de toi-même à travers ces chansons ?

Mark Daumail : Alors justement je les ai fait écouter à plusieurs personnes, certaines avec qui j’ai travaillé ont été un peu soufflées par ça, en me disant « tu dis les choses très crument, il n’y a aucune poésie ! ». Je dis « le cœur de mon bébé est malade, il va avoir besoin de chirurgie », ce ne sont pas des paroles de chansons normalement. Par exemple je l’ai fait écouter par Stephan Eicher avec qui j’ai écrit, nous sommes amis maintenant, et il m’a dit « tu ne sors pas ça, c’est trop ! ». Il est vraiment dans un autre truc, dans ce qui est le plus poétique possible, et il a été très choqué. Ça dépend des gens, mais je lui ai dit non, je crois qu’il faut que je le dise.

Je pense que dans un premier temps le public Français ne va pas forcément y faire trop attention. Certains vont certainement lire et apprendre les paroles, mais je crois que pour beaucoup c’est retrouver l’ambiance de Cocoon qui importe le plus.

Mark Daumail : Bien sûr, en revanche depuis dix ans Cocoon est devenu un groupe qui sort dans plein de pays. En France je pense que tu as raison, mais j’attends de voir les réactions en Angleterre ou en Allemagne. Mais je n’ai pas fait ça pour choquer, c’était vraiment un message à la Bob Marley parce que c’était un parolier vraiment très fort, et je voulais m’approcher de ça.

Les paroles donnent un côté très touchant à l’album.

Mark Daumail : Et je ne voulais pas faire ça pour être touchant. Cet album je l’ai vraiment fait pour souhaiter la bienvenue à mon fils. ‘Welcome Home’ c’était ça : « tu es arrivé six mois en retard, mais tu es là ! ». Et je n’ai pas mis « house », mais « home » parce que c’est un truc plus sentimental, c’est le foyer.

Effectivement, l’album est dans son ensemble assez enjoué, positif, comme l’étaient certains titres de Cocoon par le passé, mais il y a un côté aussi plus adulte avec cette expérience. Quel regard as-tu sur tes vieilles chansons, comme « Chupee » ?

Mark Daumail : « Chupee », je n’en pouvais plus, je ne pouvais plus la voir en peinture ! Et depuis que je me sens un peu plus mûr et adulte, je me rends compte que c’est un cadeau génial dans la vie d’avoir un tube, c’est un peu mon « Born To Be Alive » ! Et c’est la chanson qui me fait vivre encore, il y a des musiques de pubs qui l’utilisent. Comme pour Benjamin Tellier c’est un peu ma ‘Ritournelle’, on a un peu vécu la même chose, même si « La Ritournelle » est à mon avis une chanson bien plus émouvante. Mais « Chupee » c’est un son, je ne l’ai pas fait exprès, je crois que j’avais 17 ans quand je l’ai écrite, par hasard, en 10 minutes. Et c’est assez magique d’avoir un tube. Quand tu tapes Cocoon c’est la première réponse qui sort, celle qui a des millions d’écoutes sur Spotify… Et à un moment ça me vexait parce que je pensais être quelqu’un de plus profond que ça. Ça me vexait que ce soit cette chanson-là le tube, j’aurais adoré que d’autres le soient, mais en fin de compte c’est tellement cool d’avoir un tube quand tu es musicien Pop, et que ce soit celui-là eh bien tant pis ! Et finalement, avec le recul, ce titre me représente très bien, il est léger, rigolo et… un peu con ! En même temps il invite au voyage, c’est un joli titre. Et aujourd’hui je suis très content de la jouer en concert et je remercie les gens, et cette chanson !

Parlons de l’enregistrement de l’album. Tu es parti au Spacebomb Studio, avec Matthew E. White, peux-tu me dire comment s’est faite cette rencontre ?

Mark Daumail : En fait j’avais écrit une dizaine de chansons à la maison et j’avais deux ou trois maquettes que je n’arrivais pas à terminer. J’avais l’idée du Gospel, j’avais aussi flashé sur l’album de Natalie Prass qui est sorti l’année où j’écrivais le miens, c’était un peu ma bouée à l’hôpital, je l’écoutais en boucle, sa voix me faisait du bien et je trouvais les arrangements dingues, et j’en ai donc parlé à mon directeur artistique chez Barclay qui m’a dit « super idée ! Vas-y, on l’appelle ! On va lui envoyer des chansons. ». Donc on lui a envoyé et dans l’heure il a répondu « Venez ! J’adore, on va finir ensemble et on va demander à Natalie de chanter sur des morceaux », parce que c’est lui qui a réalisé l’album de Natalie Prass. Ça faisait beaucoup de coïncidences, j’adorais ce qu’il faisait seul, c’est une figure de l’Americana, une star de l’underground US qui traîne avec Bon Iver, Arcade Fire, et il a une belle carrière solo. Donc voilà, on est arrivé en Virginie, c’est une facette des Etats-Unis que je ne connaissais pas parce que je connais plutôt New York, Los Angeles, Chicago… Et j’ai adoré : les marais, la forêt, c’est la véritable Amérique. J’ai été sidéré parce qu’ils ont tous mon âge, la trentaine, et ils sont tous cent fois plus forts que le plus fort des musiciens de mon âge ! Ils ont tous un ‘degree of guitar’ ou un ‘degree of drums’, ils sont tous diplômés et formés et professeurs de musique. A côté j’étais d’un niveau technique minable ! Ça m’a vraiment tout de suite donné une leçon et ils m’ont dit d’emblée « tu ne joues pas ! ». Donc c’est la première fois sur un album de Cocoon, il y a deux chansons où je ne joue pas. Ils ont joué les guitares pour moi et ils le font dix fois mieux, et je ne faisais que chanter ! C’était une grosse leçon d’humilité ! Mais c’était une super rencontre et on a travaillé comme des fous. On a bossé avec Trey Pollard qui a collaboré avec Lana Del Rey par exemple, il a fait les arrangements de cordes et cuivres. Moi je les fais juste les notes en MIDI sur mon clavier, et après lui les rend magnifiques !

Natalie Prass chante donc sur deux chansons, c’était important pour toi de garder une voix féminine ?

Mark Daumail : D’abord je pensais partir en Gospel avec une petite chorale et après je me suis dit qu’il y avait deux chansons qui mériteraient d’être faites « à la Cocoon ». Je me suis dit s’il y avait une fille qui devait chanter sur ce disque il fallait que ce soit elle. Elle a une voix magnifique, complètement différente de Morgane. Si ça n’avait pas été elle il n’y aurait eu personne.

Et d’où vient l’envie de Gospel ?

Mark Daumail : Je trouve qu’il y a un gros retour du Gospel. Par exemple Kanye West dont j’adore de plus en plus le travail vient de faire un album presque Gospel. En tout cas j’écoute beaucoup de Rap, et le Rap se rapproche du Gospel. Il y a aussi un artiste qui s’appelle Chance The Rapper que j’adore qui vient de faire un album. Il y a aussi un groupe Folk qui s’appelle The Mountain Goats qui mélange beaucoup chœurs Gospel et Folk et j’avais envie de faire ce genre de mélange. On manque de Gospel en France et ça va très bien avec la musique joyeuse.

Et chez toi tu écoutes beaucoup de Gospel, de Folk ?

Mark Daumail : Non, pas du tout ! Pour moi le Gospel c’était genre Whoopi Goldberg ! Mais non, j’écoute du Rap tout le temps. C’est un peu comme un Coca-Cola ou un hamburger, j’ai envie d’en boire ou d’en manger tout le temps. Je trouve que c’est la meilleure musique du moment : Drake, Kanye West, Kendrick Lamar… C’est là où ça se passe en ce moment, avec des progrès hallucinants au niveau sonore, à la production. Le Rap n’est pas forcément mon truc, mais la musique et le rythme sont de plus en plus dingues, c’est la musique la plus novatrice aujourd’hui. Le Rap US, à fond ! Et j’ai l’impression que les jeunes sont comme moi, ils n’écoutent que du Rap, et de l’Electro aussi. Je n’écoute pas de Rock par exemple, le dernier truc de Rock que j’ai écouté c’est The Last Shadow Puppets que j’avais bien aimé, mais sinon pour moi c’est déjà un truc de vieux, de Philippe Manœuvre ! Mais de temps en temps il y a toujours un mec qui sort du lot : Andy Shauf ; James Blake aussi, c’est un bon songwriter très électronique mais je trouve ça super bien. Mais en ce moment j’écoute plutôt Anderson .Paak, Chance The Rapper, James Blake, Kanye West, un truc Electro aussi qui s’appelle Kaytranada, mais très peu de Folk. Même moi je n’écoute pas la musique que je fais. Il y a des artistes très novateurs comme Radiohead, Daft Punk, qui influencent les autres artistes. Moi je ne suis pas du tout quelqu’un qui influence, je ne suis pas un chercheur sonore. Par exemple en ce moment je trouve que tout le monde essaie de faire du James Blake. Mais quand « Chupee » est sorti il y avait plein de trucs de Folk fille/garçon « Chupesque », et voilà, quand tu as un truc qui cartonne c’est ce qui arrive. Après il y a eu l’époque Kavinsky et la B.O. de « Drive », ou du Phoenix aussi, tout le monde a commencé à faire du Kavinsky, il y a des vagues comme ça.

Pour en revenir à Cocoon, l’enregistrement des voix a été fait à Berlin ?

Mark Daumail : Non, en fait c’est marrant j’ai fait les voix avant ! J’ai enregistré à Bordeaux dans mon studio, et j’avais envie d’enregistrer d’abord les voix pour ensuite laisser de la place aux arrangements par-dessus. Je suis allé à Berlin parce que quand on chante en Anglais c’est important de s’entourer d’anglophones et la personne avec qui je travaillais là-bas était américaine. Il s’appelle Martin Gallop et c’est un spécialiste de la voix. Il m’a beaucoup appris, je n’ai jamais chanté comme ça. Par exemple le choix du micro, je n’avais jamais pensé à ça mais tous les micros ont un son différent. On a essayé plein de micros, de pré-amplis, de compresseurs, et on a passé 15 jours là-bas rien que pour les voix de 12 chansons. Normalement tu fais ça en trois jours.

COCOON - Welcome Home (2016)
La pochette de « Welcome Home » par Esther Pearl Watson

Et qui a réalisé l’artwork de ton album, ce dessin de maison sur lequel est écrit « Welcome Home » ?

Mark Daumail : C’est une peintre qui s’appelle Esther Pearl Watson qui est de Los Angeles. Je voulais que chaque chanson soit représentée par un bâtiment : pour « Retreat » une cabane au bord d’un lac, comme une retraite, l’hôpital avec la maman, le papa, le bébé pour « Get Well Soon » … Chaque chanson est représentée par une ferme, une église. Je cherchais donc une peintre qui soit un peu Folk-art comme ça qui représente des habitats, et que chaque chanson soit représentée par quelque chose en rapport avec le texte. Donc elle a fait 13 peintures, pour les chansons et la pochette. Elle commence à cartonner et à bien vendre ses peintures, d’ailleurs elle va venir exposer, je pense que l’on va faire un concert dans une galerie devant ses tableaux à Paris. Et elle a été top, parce que j’ai été assez directif et pendant huit semaines on a reçu des peintures et c’était un peu Noël tous les jours. Et je lui ai dit que pour la pochette je voulais une maison de famille normale, lambda, américaine, avec une voiture. « Welcome Home », aux Etats-Unis, c’est aussi ce que l’on disait aux soldats qui revenaient de la guerre. Et puis ce titre tout le monde sais ce que ça veut dire, un peu comme un slogan.

Tu imaginais il y a 10 ans quand les Inrocks t’ont repéré que tu serais encore là aujourd’hui à faire de la musique ?

Mark Daumail : Oui, ça c’est sûr, j’ai toujours voulu en faire ma vie. Je sais que c’est facile à dire, j’ai la chance d’avoir eu des succès, mais aussi des non-succès. En dix ans j’ai eu un vrai échantillon de ce qu’est la vie d’un artiste, que tu aies des choix – bons ou mauvais – à faire, des bonnes décisions, de bonnes chansons et d’autres moins belles, des beaux concerts et d’autres ratés. Donc je sais un peu ce qui m’attend maintenant, c’est plutôt cool, je ne suis plus le petit lapin de trois semaines ! Quand j’ai un rendez-vous ou quand je monte sur scène je suis moins paniqué, plus serein, c’est très agréable. Donc oui, j’imaginais que je serais toujours là mais peut-être pas aujourd’hui à faire du Cocoon. Là j’ai fait un triptyque avec Cocoon et j’aimerais bien continuer encore un peu parce que j’ai encore des choses à dire avec ce projet. Mais je trouve que l’idée de collectif dont je parlais tout à l’heure, me fondre un peu dans le décor, m’excite de plus en plus, je vais peut-être approfondir ça.

Et justement tu vas peut-être faire des émules, parce que j’ai vu tes « Cocoon classroom » sur internet, tu peux m’expliquer ce que c’est ?

Mark Daumail : En fait mes parents sont profs et j’ai toujours aimé depuis que je suis petit expliquer aux gens le comment des choses, quitte à être trop bavard. Et Cocoon c’est un groupe qui a une communauté de gens qui sont musiciens, guitaristes, pianistes. Si tu tapes Cocoon sur Youtube il y a énormément de gens chez eux qui ont repris des chansons – et pas que « Chupee » – c’est assez dingue. Ils ne la jouent jamais comme moi donc c’est intéressant à regarder, et je me suis dit que ce serait peut-être marrant, pour leur faire découvrir l’album, de faire une sorte de leçon de guitare pour leur montrer comment jouer les chansons. Ce n’était pas vraiment marketing à la base, c’est plutôt free style, pas préparé ! Et on a eu des réactions super, il y a même des radios qui en ont parlé comme Europe 1, ça nous dépasse complètement. Alors du coup ça y est, je commence à faire le youtubeur, je me suis acheté un pied d’iPhone !

Et tu as reçu beaucoup de vidéos de la part des gens ?

Mark Daumail : On en a déjà reçu une douzaine de reprises en deux semaines, donc c’est super ! Et ça ressoude aussi la communauté autour du projet. Et finalement ça devient un outil marketing comme un autre mais que je trouve beaucoup plus sain que s’associer à une marque par exemple. Après j’ai quand même eu pas mal de musiques pour des pubs ! En tout cas je le fais de façon complètement désintéressée et c’est diffusé sur Periscope qui est un réseau assez étrange, qui fait des directs mais pas beaucoup de musique, donc maintenant ça devient un peu le réseau de Cocoon !

Propos recueillis à Paris le mercredi 1er juin 2016.

Un grand merci à Mark Daumail, à Pauline Bérenger pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Barclay.

Pour plus d’infos:

Lire la chronique de ‘Welcome Home’ (2016)

Chroniques:

‘Where The Oceans End’ (2010)
‘Back To Panda Mountains’ (2009)
‘My Friends All Died In A Plane Crash’ (2007)
‘From Panda Mountains’ (2007)

Lire l’interview de Cocoon, le 24/09/2007

La Flèche D’Or, Paris, le 18/07/2007 : compte-rendu / galerie photos
Lire le compte-rendu du concert à la Cigale, le 07/03/2007
Lire le compte-rendu du festival ‘Les Inaperçus’

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