Date de sortie : 24 février 2023 / Label : Dead Oceans / Pays d’origine : Angleterre

Avec une entrée en fanfare en 2018 avec leur premier album « Songs of Praise », les anglais de Shame avaient placé la barre très haut, à tel point que son successeur, « Drunk Tank Pink », sorti en 2021 n’était pas parvenu à rivaliser avec la fraîcheur de ce premier opus. Malgré toutes ses qualités, nous revenions inlassablement vers les débuts du groupe.

En mal de renouveau dans un genre musical ultra-balisé, Shame montrait pourtant une réelle envie de développer leur style, mais ils allaient devoir encore mûrir un peu avant de retrouver autant de force et d’efficacité. Et si la pochette surréaliste de « Food For Worms », conçue par l’artiste Marcel Dzama, est particulièrement réussie, ce n’est pas pour cacher une inspiration en berne, bien au contraire. Pour arriver à ses fins, le groupe de Brixton a décidé d’enregistrer en live et de s’offrir les services de Flood à la production, un habitué des poids lourds du rock alternatif (Nick Cave, U2, PJ Harvey, Foals, ou le fameux « Mellon Collie and the Infinite Sadness » des Smashing Pumpkins). Et le résultat est sans appel : ils semblent aujourd’hui à l’aise dans tous les domaines.

« Food for Worms » parvient à faire cohabiter cette rage intacte et une certaine noirceur avec un jeu de guitare plus expert, qu’il s’agisse de l’excellente introduction que constitue « Fingers of Steel » ou de la rage virtuose de « Six-Pack », porté par une pédale wah-wah et un break en mode crooner. Plus complexe dans son jeu mais moins compliqué à l’écoute : c’est là que se trouve la principale force de cet album presque constamment sous tension dans sa première moitié, avec des morceaux de bravoure rageurs tels que « Alibis » ou « The Fall of Paul » – l’ombre de Fugazi n’est pas bien loin – mais aussi des moments de répits qui n’en sont pas moins entraînants, notamment « Adderall », « Burning By Design » et le final sous influence Sonic Youth « All The People ».

Laissons le mot de la fin au chanteur Charlie Steen qui définit lui-même « Food For Worms » comme étant « la Lamborghini des albums de Shame ». Une affirmation prétentieuse ? Non : ambitieuse ! Car tout sur ce disque est à la hauteur de leurs ambitions.